un plus un égal trois…
Deux petits vieux maintenant, piliers de Senja, où ils sont nés, ils ont grandi, sont tombés amoureux et ont eu deux filles, la mère d’Ash s’est enfuie à ses dix sept ans. Une fugue qu’ils n’ont jamais comprise ni acceptée faisant suite à celle de leur première fille. Le mystère de leur vie, leur regret éternel, d’avoir failli leur descendance. Instable jeune femme qui n’a jamais su trouver sa place sur ces terres étranges, d’abord exilée à Oslo, puis plus loin, toujours plus loin. Aux Etats Unis elle a trouvé un homme, une mauvaise fréquentation comme on pourrait l’appeler. Cet artiste aux yeux rêveurs mais aux copains louches, qui l’a emmené vers le bas ou bien ce fût le contraire. Ensemble ils ont été heureux, ils se croyaient heureux. A vivre tous les deux, sans se demander où serait la suite, sans la pression de vies qu’ils n’avaient pas demandées. Heureux ils l’ont été… Jusqu’à ce que le gamin n’arrive.

l’enfant qui ne demandait rien
tw, négligence d’enfant
Il n’a pas deux ans que les choses se corsent. Le père est condamné pour de la prison à vie. Le petit ne sait pas pourquoi, ignore encore tout de ce qu’il se déroule autour de lui. La présence chaude et rassurante du paternel pourtant lui manque bientôt. Lui seul était là, pour lui chanter une berceuse lorsqu’il s’écorchait la peau contre un caillou malicieux. Une voix douce et mélodieuse remplacée par les cris incessants féminins, qui n’a jamais réellement pris la peine de prendre soin de lui. Le père seul le nourrissait, le changeait et lui apportait l’amour dont il avait besoin. La mère, elle, préfère s’abrutir devant la télévision, à force de cigarettes et de bières bon marché. Des heures l’enfant pleure quand la faim le tiraille, mais la réponse est toujours trop tardive et empreinte de mauvaise humeur. Le foyer sain et chaleureux est devenu une prison pour un gamin trop jeune pour comprendre pourquoi son père n’est plus là.

dans le système
tw, maladie, négligence d’enfant
La mère ne dure pas. Maladie qui détruit son foie puis son corps, qui l’emmène sans se soucier du petit qui termine seul. Aucun adulte pour prendre soin de lui, juste un chien en peluche pour lui tenir compagnie alors qu’il entre en foyer quelques temps après. Bouille mignonne mais incapable de sociabiliser, le blondinet n’attire pas les familles adoptantes, mais d’autres plus malaisantes. Attirés par l’argent, ces profiteurs l’ont pris sous leur aile, prenant les billets sans réellement s’occuper de l’enfant perdu. Il prend l’habitude, ne compte plus que sur lui-même pour se nourrir ou défendre ses intérêts, quand d’autres enfants veulent l’embêter à cause de ses habits trop petits et rapiécés. La famille un jour est dénoncée alors il revient au foyer quelques temps, pour en retrouver une autre plus tard. Cette fois il s’en sort mieux. Ne reste qu’une ignorance partielle, de parents qui ne veulent pas trop s’impliquer. Les repas sont réguliers, les vêtements souvent neufs mais c’est toujours seul qu’il a l’impression d’être. Entouré mais sans personne pour venir lui dire que tout ira bien lorsqu’il fait un cauchemar. Le gamin apprend à ne pas pleurer, à ne pas se plaindre, à simplement rester dans son coin pour ne pas déranger. A l’école, certains le prennent pour cible mais râlent quand il réplique ensuite. Bagarres nombreuses, entre les murs enseignants ou à l’extérieur, jusqu’à ce que le système scolaire décide de ne plus faire d’effort pour lui. Renvoyé plusieurs fois, de tant d’écoles, c’en est bientôt trop pour ses accueillants, qui décident de s’en débarrasser finalement. Adolescent bientôt, avec des casseroles plus grosses que lui, plus personne n’accepte de le prendre en charge. L’hiver à Chicago est souvent froid, mais il quitte finalement le foyer pour rejoindre les rues, d’autres gamins qui comme lui se sont retrouvés dans les rouages d’un monde qui n’est pas fait pour eux. L’école ne veut plus d’eux, l’état ne veut plus d’eux, mais eux, s’acceptent comme ils sont…

dans le vrombissement des moteurs
tw, violence physique, harcelement
L’erreur vient alors qu’il n’a pas encore dix-sept ans. Pour survivre il s’encombre de petits larcins. Doué de ses doigts, pour crocheter des serrures ou dérober des portefeuilles dans les poches, le jeune homme devient ambitieux. Imbécile imprudent, il observe une moto sans propriétaire, seule et à sa portée. Plusieurs minutes il observe, regarde les alentours sans voir revenir l’homme, cherche les failles au plan qu’il est en train de concocter mais l’opportunité est trop belle. Quelques minutes de plus et le voilà ensuite le séant sur le cuir du siège, bien occupé à essayer de la démarrer pour remarquer l’ombre qui lui tombe dessus bientôt. C’est au sol qu’il se retrouve quand la grosse main se referme autour de son bras malingre. La silhouette massive du biker qui le surplombe l’impressionne, mais il ne baisse pas les yeux, ne bouge pas d’un centimètre alors que l’homme l’observe en détails. L’hésitation se lit dans son regard, la peur dans celui du gamin. Il craint de sentir ses poings s’abattre sur lui plus que d’entendre les sirènes de la police. Cependant il ne s’attend pas à la suite. A cette pogne qui se tend vers lui pour l’aider à se relever et ces quelques mots prononcés d’une voix grave plus tard… Tu viens? La décision est rapide et le sac fait au plus vite. Oui…

dans la noirceur de la violence
tw, gang
L’homme a pris la place du père. Le gamin sans attache et sans amour le voit immédiatement dans ce rôle. Tout comme son fils devient meilleur ami, frère. Une famille qui sied à sa violence, l’accepte aussitôt et le prend sous son aile. Le voleur apprend aussi à aimer les motos, à en faire sa monture. Et puis il apprend à utiliser des armes, à devenir plus dangereux, plus effrayant aussi. Le gringalet prend des formes et au lieu d’être un grand gamin trop maigre, il devient le géant grognon. Le sourire s’offre au sein du club, mais le monde se contente de son faciès mauvais. Avec son ami ils deviennent recrue puis homme de main… et quand l’un se dirige vers la direction du clan, le second en devient le diplomate. Choix presque étrange vu l’impression peu amène qu’il dégage, mais pourtant évident, quand on voit ses facilités à négocier les meilleures offres. Le clan prospère sous l’égide  de ces deux jeunes inséparables.

l’amour responsable de tous les maux
tw, homophobie, passage à tabac, meurtre, violence
L’âge d’or de cette amitié touche à sa fin bientôt, quand l’horreur est découverte. Point de vue ancestral, sur l’amour entre deux hommes, quand l’américain est surpris au lit avec son amant. Amitié trahie quand un membre du club le jette au sol, mais que le frère ne fait rien pour l’en empêcher. La punition est exécrable autant qu’injuste, quand les poings s’abattent sur lui, quand les hurlements de l’être aimé se font stridents puis cessent soudainement. L’homme, le père, ne supporte pas l’amour exprimé et le détruit. L’homme, le fils, n’assume pas le dégoût de toute cette débâcle. L’homme, l’adopté, les raye aussitôt de sa vie, incapable de pardonner ce qui vient de se dérouler. C’est à l'hôpital qu’il termine finalement, entouré de cette famille qui vient pourtant de le détruire. L’excuse donnée au personnel soignant, est une attaque menée par un gang rival, mais lui connaît la vérité. Quelques jours à peine pour se remettre sur pieds et il quitte finalement les lieux sans jamais se retourner. Là bas il laisse tout… Ce clan qui lui avait tout donné, sa moto qui l’avait aidé à se construire et cette famille qu’il avait aimé… Là bas il laisse tout, pour ne jamais plus se retourner.

nouveau départ
C’est le sang qu’il cherche à retrouver, en arrivant à Senja. Pendant des années, il a cherché des membres de sa famille, pour apprendre que son père était mort en prison peu de temps après son entrée. Ses parents à lui, ne voulaient rien savoir de ce gamin illégitime. Il ne restait que cette branche norvégienne dont il ne connaissait rien et qu’il a mis des années à retrouver. Deux petits vieux qui découvraient avec bonheur cette descendance nouvelle et qui furent surpris de le trouver sur le pas de leur porte. Surpris mais pas déçus, il l’ont accepté en leur sein sans rien dire de ces tatouages et de ces manières, ou de cette façon de parler norvégien trop hasardeuse. Tout ce qui comptait pour eux, c’était de le savoir si proche d’eux et de pouvoir passer du temps avec. pour une nouvelle vie… La suite s’est enchaînée si vite qu’il en aurait presque le tournis. La rencontre avec la belle Snefrid, jusqu’à en perdre la tête mais en retrouver la vie. Cette femme dont il ne savait rien mais qui lui offre elle aussi tant. Ce lien indestructible, qui viendra régir sa vie désormais sans qu’il n’y trouve rien à redire. Cette vie… cette nouvelle vie qui n’a rien du passé et qu’il embrasse sans se méfier, trop heureux d’ouvrir enfin cette coquille qui l'emprisonne…