Que jeunesse se passe.
Gamin fragile, Alcide manquait de caractère. Il se laissait porter par l'éducation peu commune que lui infligeait son père. Il n'avait pas les épaules assez solide pour donner le change, tout juste assez fortes pour encaisser sans dire mot. Le poids des attentes placées en lui est lourd, bien plus lourd que pour ses frères il en est convaincu. Toutes ces choses, qu'Abel essaie tant bien que mal de bourrer dans son crâne, elles vont totalement à l'encontre de sa nature. Il accueille comme il peut les mots durs, les coups, les punitions toutes plus inspirées les unes que les autres. Très jeune il se referme sur lui-même et apprend à ruser. Il est futé le gosse, il a au moins ca pour lui, même si ca semble peu importer aux yeux des autres. A peine le remarquent-t-ils, si ce n'est le constat de cette différence. Alcide apprend à ne pas faire de vague, à suivre d'apparence le courant, si ca peut lui éviter le pire. Il dit, montre ce qu'on attend de lui et se réfugie dans sa chambre. Cet univers virtuel où il se sent si bien. Avec l'adolescence, il fuit un peu plus loin. Fugue la plupart des nuits pour errer dans Svart, s'aventure dans les autres quartiers, fait les 400 coups. Il a envie de connaître autre chose que la Tourmente, se dit que c'est plus joli ailleurs. Mais il s'en voit vite détrompé. Il est jeune mais il comprend Alcide, qu'ils sont tous pourris dans le fond.

Que ton tour vienne.
TW : violence subie
Anniversaire de ses 15 ans, Alcide a peur. Il est rongé par ces mots que son père ne cesse de lui répéter. Comme si à force, le gamin allait finir par les accepter. De toute façon, Abel ne lui laisse pas l'ombre d'un choix. Le rite de passage est une évidence. Qu'importe que son fils n'y soit pas prêt. Mort ou vif, il devra honorer Hel.
Seizième anniversaire ; la confrontation est forte. Si Alcide ose rarement hausser la voix, il a crié sa peine dans l'espoir vain d'être entendu. Pris d'une violence qui ne lui est pas coutume, Abel s'est acharné. Comme s'il réalisait seulement avoir échoué dans l'éducation de son fils, réalisait sa propre incapacité à faire honneur à Hel. La gifle pour une fois insuffisante à faire taire Alcide, il s'est saisi du premier objet à portée de main pour l'abattre sur son fils. Un tisonnier encore brûlant marque le dos d'Alcide d'une cicatrice qu'il a presque oublié aujourd'hui.
Regret de son geste, ignorance feinte, Abel congédie le gamin dans sa chambre jusqu'à nouvel ordre. Cela aurait convenu à Alcide, si on lui avait laissé son ordinateur, son téléphone et ses livres. Son père cherche à l'isoler, comme si ses convictions ancrées allaient plier face à la volonté d'Abel. Loin d'adhérer à la Tourmente, Alcide a surtout le temps de réfléchir à ce qu'il souhaite véritablement pour sa vie. Et il ne considère pas avoir le luxe du choix.
La porte se déverrouille à horaires réguliers, juste le temps de lui glisser un plateau repas sans un mot. Souvent apporté par les employés de maison, parfois par ses frères, jamais par son père.
Plusieurs jours oublié dans sa chambre pour leçon, Alcide cogite et se décide finalement. La porte s'ouvre pour lui amener à dîner et il s'enfuit aussitôt, bouscule la personne dans l'encadrement pour s'échapper dans les hauteurs du manoir. Il n'avait encore rien tenté jusque là, acceptant la punition comme souvent ; peut-être avait-il eu besoin de ce temps d'introspection. Alcide monte les escaliers, encore jusqu'à ne plus pouvoir. Il serait arrivé sur le toit, si Dillion ne l'avait pas pourchassé, le stoppant aisément. Quand les bras de son frère l'ont enserré pour l'arrêter, il n'a pas su se retenir plus longtemps. Il n'a pas su fuir comme il en a le don. Alcide s'est soudainement effondré, physiquement, émotionnellement. Enlacé maladroitement, il s'est mis à pleurer, à afficher toute cette peine enfouie, crier son besoin d'en finir. Oh il a longtemps arrêté de compter le nombre de larmes qu'il a laissé couler dans sa courte vie. Son frère ne se serait pas embêté à le poursuivre, il aurait emprunté la fenêtre du toit jusqu'à courir dans le vide. S'il devait mourir, autant que ce soit son choix, sans aucun sacrifice à ces foutus dieux.

L'ombre d'un espoir.
Raisonné, ramené dans sa chambre, Dillion lui promet de l'aider à s'enfuir, se reconstruire, le protéger. Quelques jours plus tard, Abel se décide à déverrouiller sa porte, sans un mot. Il ne faut pas longtemps aux deux frères, pour mettre en place le plan déjà élaboré. Alcide est retrouvé dans sa chambre, immobile, des drogues variées éparpillées au sol. Une overdose simulée, les compétences de leur oncle Floyd en anesthésie mises à profit pour ralentir son coeur et déclarer sa mort. Alcide est transporté jusqu'à la morgue, les funérailles bientôt annoncées. Avec la complicité de Dillion, c'est là-bas qu'Alcide s'échappe, s'affranchit enfin. Alcide s'est procuré de faux papiers l'indiquant majeur, un peu d'argent liquide pour subsister, de quoi s'acheter un ordinateur et un billet pour le ferry. Il a foncé en direction du port, embarquant pour la première destination à l'étranger.
Alcide parcourt les pays nordiques, s'aventure un peu en Europe. Il est toujours en mouvement, passe sa vie dans des cafés, avec son ordi. Il fait sa vie loin des Croft. Ce nom n'existe plus, devenu Sacha Matteson. Et ce simple fait lui fait un bien fou. Il évite soigneusement l'Angleterre. Le pays a beau être vaste, il ne veut pas prendre le risque d'y croiser cette sœur qu'il ne connait pas. S'il aime sa vie de solitaire, loin des extravagances de Senja, il reste en quête de sens. Etrangement s'il se sent mieux, loin de tout ça, il a le sentiment de s'être éloigné de ce qui l'animait aussi. De trahir toutes ces fois où il s'est juré de leur faire payer ses premiers pas pourris dans la vie, de changer le système, de faire mieux, pour les autres.
Par une alerte en 2006, Alcide apprend que sa mère est gravement malade. Peut-être qu'il ne s'en sert que comme prétexte, ou qu'il se sent véritablement concerné. Quoiqu'il en soit, le gamin s'est décidé à retourner à Senja. Si à l'origine, c'était naïvement pour tâter le terrain, à se dire qu'il pourrait s'y planquer, dans les montagnes ou ailleurs. Ca a plutôt mal tourné. Abel l'a aperçu au détour d'une rue, le hasard contre lui. Dillion a craché le morceau, l'a trahi. Senja est redevenu son piège.

Reset : choisir les paramètres par défaut.
Son père ne lui laisse pas d'autre choix que de se rapprocher d'une Caste. La discussion qu'ils ont eu, si on peut appeler cela ainsi, ne l'a pas rassuré du tout. Il a eu la trouille de sa vie, pour sa peau et celle des autres. Un Croft a le bras long. Si un temps, il aurait préféré mourir plutôt que de se laisser enrôler... Aujourd'hui avec le recul, la paix trouvée par la distance, il se dit qu'il peut utiliser le système à son avantage. Alcide se rapproche alors de la Connaissance et y évolue en coupant toute relation avec la Tourmente.