Enfance solitaire | 1979-1992
Y a-t-il quelque chose à raconter quand on a aucun souvenir d’une période de sa vie ? Ce n’est pas la première fois que cela arrive. Tu es laissé le jour même à l’hôpital où tu es né. On ne voulait pas de toi. Les raisons ? Tu les ignores. Tu ne sais pas si même aujourd’hui, tu veux vraiment les savoir. Tu te dis simplement que cette personne avait ses raisons et que tu ne peux vraiment lui en vouloir. Malgré le vide que cela a pu créer dans ta poitrine pendant longtemps. Aujourd’hui encore, tu te demandes qui sont tes géniteurs. Mais tu es bien plus détaché de tout ça. Toi qui t’accroches au jean d'Esma que tu ne quittes que rarement quand elle vient s’occuper de vous. Elle est ta mère, ta sœur, ta tante de substitution pour un enfant qui demande à la fois de l’attention et qui semble parfois si distant par rapport au monde qui l’entoure. Tu ne sais plus combien de temps cela a prit, mais peut-être a cause de ton lien privilégié avec Esma, celle-ci décide de te recueillir et de te ramener entre les bras de la Nature, qu'elle et toi considérait comme ta famille depuis le premier jour. Ta place n'avait jamais été au Divin, tu nourrissais une reconnaissante très forte pour Esma qui ne t'avait pas laissé le temps d'avoir un cerveau encore assez développé pour avoir des souvenirs relié à l'autre caste.

Tu es intéressé par des choses que les autres enfants ne trouvent pas intéressant. Tu n’as pas peur de prendre les insectes entre tes mains et les laisser courir sur ta peau. Tu te méfies de la plupart des adultes et tu préfères courir hors de leur surveillance les trois-quarts du temps. Tu vas te perdre dans la montagne, dans la forêt, tu abîmes tes genoux, tu salis tes vêtements, tu te mets à plat ventre pour observer les animaux sauvages en liberté entre les arbres. Tu aimes le calme et la tranquillité que la nature peut offrir. C’est pour ça que tu ne sors jamais vraiment en ville. Tu n’aimes pas particulièrement l’endroit. Trop bruyant, trop d’odeurs. Tu t’ennuies et tu te sens agressé par la moindre petite chose qui vient de la vie urbaine de Senja. Alors tu retournes le plus rapidement possible dans tes livres sur les animaux et les plantes avant de retourner à l’aventure pour les trouver dans la vraie vie.

Adolescence et isolation | 1993-1997
Tu ne sais pas pourquoi cela a dû tomber sur toi. Ou peut-être que si, tu le sais très bien. Tu étais l’une des cibles parfaite. C’était ta faute, celle de personne d’autre. En-tout-cas, c’est ce que tu as pensé pendant des années. Tout est très flou et en même temps si net. Tu revois la scène, comme du dessus. Tu cours à travers les rues sombres de Svart. Pourquoi tu étais dans cet endroit ? Tu étais à la fois un garçon facile avec ces moments difficiles (et quand c'était le cas, c'était vraiment compliqué de te gérer) tu avais décidé de partir dans la forêt. Ce n'était pas la première fois que tu faisais ça, mais Esma ne s'était jamais inquiété puisque tu restais dans le territoire de la Caste. Mais tu avais décidé d'aller plus loin, de suivre quelques copains eux aussi en crise à la maison, pour traîner dans les rues de Senja sans forcément s'intéresser à votre chemin. Une fois calmé, vous aviez décidé de rentrer chacun de votre côté. C'est une fois seul, isolé, et sans plus de protection de la caste qui était ta mère spirituelle que tu devenais une cible parfaite. Et tu ne peux rien faire contre plusieurs raffleurs de la Tourmente qui finissent par te poursuivre jusqu'à ce qu'ils te tombent dessus. Tu te débats, tu cries, tu griffes, tu mords, tu envoies tes poings. Mais tu ne peux pas lutter contre plusieurs adultes, qui ont l’habitude, qui peuvent rapidement entraver tes membres avant de finalement t’assommer parce que tu donnes du fil à retordre. Enragé jusqu’à tomber dans l’inconscient. Quand tu te réveilles, c’est pour être dans une cage juste assez grande pour t’asseoir, mais pas assez pour te mettre complètement sur tes genoux. Rapidement, tu essaies de briser les barreaux, tu envoies les pieds, tu envoies les mains. On t’ignore ou parfois, on vient t’en coller une pour dire de fermer ta grande bouche en te menaçant de bien pire si tu oses encore parler sans autorisation. La peur au ventre, tu t’accroches comme tu peux avant d’être finalement « vendu » à un homme qui tient une maison d’esclaves. Tu ne parles jamais de ce qui s’est passé. Tu ne veux jamais en parler. Tu as tout enfoui au plus profond de toi et tu rends la vie difficile à ceux qui t’approchent. Jusqu’au jour où il apparaît dans la pièce. Cette ombre du passé que tu manques presque de tuer la première fois que tu le vois, avant de le reconnaître. Tu hésites, parce qu’il fait partie des autres, de ceux qui t’ont fait du mal, de ceux qui t’ont asservi. Quand il te dit qu’il va t’aider, tu le crois, en partie en tout cas. L’autre décide de voir ce qu’il va faire, méfiant, ne voulant pas laisser miroiter l’espoir d’être libre pour tomber un peu plus dans les abîmes.

Libération | 1997-1999
Quand tu passes les portes de Svart, tu n’y crois pas totalement. Tu regardes le dos de Wyn qui marche devant toi, alors que tu le suis dans les méandres des rues, des allées. Tu as l’impression qu’on appuie sur ta poitrine et qu’on y bloque tout oxygène d’y passer. Tu découvres Senja comme si c’était la première fois. Hors des sentiers de la Tourmente, tu avais presque oublié à quoi ressemblait le monde. Tu as envie d’abandonner ton sauveur, de courir le plus vite possible. Tu veux faire brûler tes poumons et tout ton corps pour te jeter dans les bras d’Esma, pleurer contre sa poitrine de tout ton soûl. Tu veux retrouver les enfants qui doivent avoir bien grandi. Est-ce que d’autres avaient disparus ? Ou bien était morts ? Retrouver Isby et ses montagnes. La forêt de Treby et des esprits qui y résident. Pourtant, tu continues à fixer son dos et tes pas le suivent par automatisme. Libérateur ? Ou futur bourreau ? Il te jure depuis qu’il t’a retrouvé dans ton état de servitude dans les tréfonds de ce que les surnaturels avaient de pire à offrir. Tu ne les avais jamais particulièrement haïs, ni aimés. Ils étaient des êtres humains comme toi.

C’est une explosion des émotions, du corps qui se plie face à elles et l’esprit qui tente de saisir les morceaux brisés pour essayer de les recoller ensemble. Le puzzle est complexe, mais au lieu de reprendre à la matrice de ton enfance et de ton adolescence, c’est finalement un nouvel homme qui tente de sortir de sa forme première. C’est comme renaître une seconde fois, mais à la différence de la première, on a conscience de la violence et de la douleur que cela procure. Mais une fois encore, comme la tout première fois, tu n’es pas seul. Cette fois-ci, tu as Wyn, et Esma est de nouveau à tes côtés. Tu reprends tes marques, tu apprends de nouveau à faire confiance à l’homme qui était ton ami d’enfance que tu avais perdu. Une maison. Un jardin. Un fauteuil au milieu d’une bibliothèque. Le lien qui se créait, impossible de s’en défaire, sauf par la mort et la seconde option, à ce moment-là, ne te semble pas tout à fait possible. Connexion, compréhension. Ne plus avoir besoin d’ouvrir la bouche quand encore à ce moment-là, tu es si avare de mots. Amour. Tendresse. Tu en avais manqué et tu avais enfin quelqu’un qui pouvait t’offrir tout ça.

C’est avec son appui que tu lui demandes de reprendre les études. Il est d’un soutien sans faille. Il t’aide à rattraper dans un premier temps ton retard. L’équivalent du diplôme de fin de lycée. Et puis l’université. Quand tu reçois la confirmation que tu es prit à la faculté de médecine, c’est une explosion de joie dans la maison. Tu te dis que tu pouvais avoir un avenir. Que tu pourrais aider les gens. D’une façon ou d’une autre. Rendre enfin l’appareil.

Enchaînement | 2011-2013
Après des années d’études, entre dix et onze ans, on dit que tu es un médecin accompli. À la surprise de certains, tu deviens légiste. Habituellement, ceux qui vont dans cette branche sont considérés comme ceux qui n’ont pas le « talent » pour être un « vrai médecin ». Toi, tu as le talent dont ils parlent. Alors c’est le choc pour tes professeurs, quand tu déclares ta spécialisation. Pourquoi s’occuper des morts plutôt que des vivants, faire une véritable carrière. Tu aimes et tu hais l’être humain. Au lieu de prétendre comme certains de tes collègues que tu fais ça par intégrité, alors qu’ils cherchent un pouvoir certain, autant matériel par l’argent qu’on gagne que par le sentiment de supériorité que procure le fait de pouvoir tenir un cœur battant dans le creux de la main. Avoir en sorte, le pouvoir des dieux entre tes doigts. Les morts ont tout autant de choses à raconter que les vivants et eux, au moins, ne peuvent pas mentir sur les symptômes qu’ils ont ou qu’ils n’ont pas. Ou plutôt, à conjuguer au passé. Bien que si les gens étaient un peu mieux renseignés, ils sauraient que les médecins légistes s’occupent aussi du vivant. Tu sais t’occuper des uns et des autres. Ton chemin est parcouru cependant d’absences, parce que tu voyages aussi, à travers le monde, d’Est en Ouest en compagnie de celui que tu aimes. Celui qui est ton âme-sœur, envers et contre tous. C’est en découvrant ce que tout ce qu’on pouvait t’apportait, que le monde des surnaturels te semblait bien laid, comparé à ce tout le reste pouvait offrir qu’il y a eu l’accident.

Le coma, le silence, l’éloignement. Pourtant, dans les méandres de l’esprit, de l’activité cérébrale, il ne se sent jamais tout à fait seul. Mais il n’est pas capable de revenir seul. C’est être dans une bulle réconfortante, où plus rien ne peut vraiment lui faire de mal ici. Les quelques mois qu’il passe dans cet état affaiblirent son corps. Mais certainement pas le reste de son esprit qui a toujours été celui du combattant. Mais voulait-il encore se battre pour l’injustice, la douleur, la dépression, le traumatisme ? Malgré ton beau parcours, tu fais partie des enfants de Senja qui ont été dévorés par elle. Recraché et remodeler. Tu étais dans le camp de ceux qui avaient survécu et qui œuvraient pour le meilleur. Ou peut-être pas assez. C’est avec cette pensée folle que tu ouvres les yeux. Wyn est à tes côtés. Il l’a quasiment toujours été. Et pourtant, tu allais devoir t’en aller, d’une certaine façon.

Passer le rite, à 33 ans, on pourrait dire que c’est presque se marier sur le tard. Une nouvelle naissance ou une continuité de ton évolution ? Tu as presque un rire hystérique quand tu sais quel est ton nom. Mais est-ce que c’est ça qui te fait rire ? Non, parce que quand la cérémonie n’est plus, c’est le même rire qui te prend. Mais il est pire encore. Parce qu’il est mêlé aux larmes. Tu n’arrives plus à te sentir respirer. C’est comme si encore une fois, on appuyait sur ta poitrine. Tu venais de perdre la moitié de ton âme, de tes pensées et de tes émotions. Tu as rejoint Frey, dans sa grande bonté, il t’avait gardé en vie pour faire la différence, même à ton échelle. Et pourtant, tu pleurais comme un enfant à qui on avait arraché les membres. Recroquevillé, de nouveau seul, sans avoir plus personne pour t’épauler, car même en vivant ensemble, ne plus sentir la présence de Wyn, qui a été pendant presque 15 ans, ce qui te permettait d’avancer n’était plus. C’était comme l’avancement logique des choses. Tu n’avais plus besoin de lui sous cette forme-là. Mais vos absences mutuelles étaient le pire châtiment de ton engagement.

Vie | 2014-2019
Avec toutes ces années d’expériences, tu deviens enseignant à la faculté de médecine. Tu donnes des cours aux futurs étudiants en parallèle de ton travail à la morgue. Après tout, quoi de mieux pour s’entraîner qu’un cadavre au début de son apprentissage et sous la surveillance d’un médecin légiste confirmé et reconnu pour son travail. Tu ne te serais jamais vu comme un mentor. Peut-être que tu as appris des techniques de Wyn pour enseigner, qui sait. Tu mets cependant un point d’honneur à ce que tes étudiants respectent ceux qu’ils ont sur la table. Ça ne veut pas dire qu’ils sont morts, qu’ils ne sont que des bouts de viandes. Qu’importe qui ils étaient avant cela. Cela ne prend pas la majorité de ton temps, à peine une vingtaine d’heures dans ton planning. Qui aurait cru que cela t’apporterait quelque chose d’apprendre à des étudiants, toi qui supportais tout juste la compagnie de tes semblables.

Le monde avance et certains s’arrêtent. La cohabitation avec Wyn est difficile, des fantômes qui se frôlent, mais qui ne se parlent pas. Aslaug est celle qui devient le pont de la communication entre vous. Tu avais toujours admiré sa force et son caractère, elle t’arrachait des rires et des sourires par ses remarques et son intelligence. Le contact se renoue lentement, avec prudence. Il n’y avait jamais eu de hache de guerre entre vous. Seulement une peine immense, où ouvrir la bouche était compliqué pour tous pour faire part de ses sentiments. Quant à l’arrivée de Henok dans la maison… C’était une expérience certes intéressante, mais bien étrange. Accueillant et respectueux, tu l’avais accueilli dans ta maison avec dignité. Mais tu n’avais pas pu t’empêcher de tilter de la tête en regardant Wyn. Cela n’avait aucun sens pour toi et tu voyais déjà le paquebot se diriger tout droit vers le glacier. Qu’il en soit ainsi, tu t’étais dit. Tu aurais de la peine pour les deux. Pour des tas de raisons, cela ne pouvait fonctionner correctement et tu ne pensais pas vraiment que le temps pourrait te donner tort. Peut-être aurais-tu préféré. Surtout quand l’un des partis ne pouvait offrir à l’autre ce qu’il recherchait.

Accélération | 2020
Aslaug laisse un vide dans la maison autant physique qu’émotionnel. Wyn a failli mourir. Personne ne sait ce qu’il s’est passé cette nuit-là. Un survivant traumatisé. Une famille en deuil et sans corps. Tu t’entends une fois dans le jardin l’appeler pour qu’elle vienne te donner un coup de main. C’est un silence agrémenté du chant d’un oiseau qui te répond. Tu as pleuré ce jour-là. Wyn n’a pas besoin de toi, seulement de son époux. Alors tu t’en vas avant le gala de la Paix pour passer quelques semaines dans ton chalet à Isby. L’explosion se répercute contre les parois des hauts sommets. Tu ne sais pas vraiment ce qu’il se passe là-haut. Quelque chose de grave. Est-ce que les dieux commençaient déjà leur machination à l’époque ? Quand tu regardes le nuage de fumée, noir, dans le lointain, les résidus qu’il en reste le lendemain. Tu as de nouveau ce rire nerveux. A ne pas savoir si tu pleures ou si tu ris.

C’est au tour de Solvi Carlsen de faire irruption dans vos vies. Est-ce devenu un jeu pour vous deux de ramasser les écorchés ? Wyn avait fait ça pour toi. Et il le faisait aussi pour la jeune esclave. Tu ne t’y opposes pas, bien au contraire, tu veux l'aider et lui offrir une sécurité dans un nouveau foyer sain. Au début craintive, peut-être à cause de ta carrure, de ta voix parfois dure dans ses intonations -sans jamais crier pourtant.

La fin de l’année est mouvementée pour toi. Tu as beau faire partie de la branche de la Mort, tu n’es pas invité aux festivités de Sot Dot comme tu l’avais imaginé. Tu te sens presque vexé de cette situation. Une organisation sans nom se dévoile au grand jour dont tu entends les revendications et le mode de pensée. Après cet incident, tu commences à te rapprocher d’eux, tâtant un peu le terrain, essayant de suivre un bout de rumeur par-ci, un autre par-là. Tu veux aussi en faire partie. Le mois qui suit, tu participes à une mission de sauvetage pour sortir Solvi des griffes de ses esclavagistes avec toute la fratrie, voit le couple de Wyn et Henok exploser en plein vol et il aurait suffi d’un malheureux hasard de planning pour que tu te retrouves dans le commissariat quand celui explose. Heureusement que tu passes ta vie entre ce dernier, l’université et l’hôpital de la ville. Une chance sur trois, cela relève du miracle. C’est aussi le temps du rapprochement pour Wyn et toi. Les traumatismes sont réveillés par le sauvetage de la jeune humaine. Tu te retrouves à avoir des cauchemars et des sueurs froides, à voir des ombres du passé. Alors tu reviens à cette place qui est la tienne dans la bibliothèque, de ce fauteuil trop petit pour contenir ton corps d’homme. Un début de reconnexion, de pardon. Il fallait pour moins ça, pour pardonner et se pardonner.

Chaos et avancement | 2021-2022
Rejoindre l’Ordre de Gullinborsti est certainement la meilleure idée que tu aies eue depuis longtemps (entre deux articles scientifiques à rédiger bien sûr). Tu ne sais pas où ça va vous mener, mais cela semble être prometteur et tu avais hâte de voir quel genre de cataclysme, vous pourriez apporter, quel genre de coup vous pourriez porter à l’Ancien Monde. Ta haine de la Tourmente n’avait jamais été un secret pour personne et tu n’aimais aucun de ses membres -hormis peut-être un ou deux, des exceptions biaisées. Les liens se renforcent avec Wyn alors que vous êtes isolés dans ton chalet durant toute une nuit. Moment gênant, moment intime et timide. Il y a du baume au cœur malgré tout. Il fallait laisser le temps au temps et les sentiments reprendre contenance pour pouvoir de nouveau être touchés. La célébration des nouvelles festivités de la Paix prend de ton temps avec la Caste, tout se passait bien jusqu’à la bête. Entre stupeur et effarement. Inquiétude et hilarité. Ton rire qui tombe toujours au plus mauvais moment se fait entendre dans la foule en panique, comme si tu y étais pour quelque chose alors que non. Tu avais toujours eu le pire timing. Tu observes ton ancien amant reprendre de sa splendeur et de sa vie. Tu t’en délectes un peu, tu avais toujours eu un faible pour le masque du scientifique fou. Tu continues ton train de vie, entre rêve de renverser l’ordre et en discuter avec le corps de ceux qui ne sont plus dans ton « atelier ».

Tu complètes tes connaissances par des stages dans l’art de la thanatopraxie. Ce n’est pas ton corps de métier propre, puisque tu te charges aussi des cadavres, mais tu ne leur accordes pas le temps de la réparation ou de la mise en beauté. Par curiosité et envie d’apprendre, tu rajoutes une corde à ton arc. Quoi de plus pratique pour stopper l’avancée de la décomposition quand on possède un pouvoir tel que le tien ?

Le blizzard qui s’abat sur la ville t’empêche de rentrer le plus souvent à la maison, obligé de faire des allers-retours entre l’hôpital et le commissariat, la faculté n’est pas une priorité avec l’urgence de la situation. Wyn transforme son visage, redevient un homme qu’il aurait connu, qu’il a aimé. La branche du Mystère était fascinante. Même si la lumière revient sur l’île isolée, cela n’annonce pas particulièrement la fin de l’inquiétude. Quand un groupuscule annonce la fin des esclavagistes, leurs cadavres jonchant le sol de la cité la plus aimée des dieux, tu y vois un revirement de situation presque cathartique. Même à l’Ordre, ils n’avaient pas poussé à ce pont-là. Cela réveille encore tes vieux démons et en même temps, libère un poids immense de tes épaules. Tu ne caches pas ta joie en ce qui concerne ces morts. Tu t’en délectes. Tu renais de voir le monstre sous le lit enfin être extirper de force par des bras puissants et abattu sans la moindre once de compassion. Le changement a une odeur sucrée et un goût acide sous ta langue. Entre grimace et excitation.

Et tout ce qui passe par ta bouche est la chose suivante : « Tout cramer et reprendre de zéro. »