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Message Lun 13 Avr - 4:03

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Elle a l’impression d’enchaîner les erreurs, Rebekka. Une expérience hors du temps et hors de l’espace, que de se regarder commettre l’irréparable tandis qu’un petit brin de lucidité demeure, bien trop faiblard pour faire autre chose que de contempler la scène au ralenti. Elle a aussi l’impression de tourner en rond, Rebekka. À l’intérieur d’un gouffre qu’elle s’est évertuée à creuser, entre elle et le monde entier, une profonde solitude qu’elle ne peut pas s’empêcher de cultiver. C’est très certainement comme ça, qu’une habitude se crée, que les semaines passent et qu’une vie nous échappe. Alors que lui reste-t-il, aujourd’hui ?
Une poignée d’amis, peut-être, mais repoussés aux limites d’un rempart qu’elle a décidé d’ériger toute seule pour se protéger. Trop haut, trop étendu, ce mur qui projette une ombre gigantesque sur tout le reste, une atmosphère sombre et poisseuse dont il est bien impossible de se débarrasser – personne n’y échappe, ni Rebekka, ni ceux qui l’entourent. Parce qu’elle a parfois l’impression de ne savoir faire que ça ; contaminer, corrompre. Une infection. La culpabilité, la rancœur, elles ont rongé tout ce qu’il y avait de bon.

Une boule au ventre, la gorge serrée, c’est devant la porte du cabinet qu’elle se balance d’une jambe à l’autre, qu’elle soupire, une fois, deux fois. De quoi tenter d’évacuer le poids qui pèse lourd sur sa poitrine, le plomb qui s’est enraciné dans ses poumons – mais rien n’y fait. Elle n’est qu’appréhension. What are you supposed to say, after all this time? C’est après tout une pulsion tout ce qu’il y a de viscéral, qui a animé son corps quelques heures plus tôt. Un manque. Siham, Siham lui manque. Alors, si devant la porte ses doigts hésitent, survolent la poignée à plusieurs reprises parce que le cran lui fait terriblement défaut, elle finit par faire son entrée.
La soudaine tiédeur de l’air dans lequel elle s’engouffre lui brûle la peau, et elle plie et déplie ses doigts glacés à plusieurs reprises pour en retrouver la sensation. Elle cherche et retrouve ses repères, la pièce tout à la fois familière et étrangère. Par automatisme plus qu’autre chose, elle retrouve son siège habituel dans la salle d’attente, jette un coup d’œil distrait à l’horloge accrochée au mur. Elle est en avance.

La réflexion lui arrache une grimace, tandis qu’elle croise les jambes et ressasse. Ses erreurs, sa culpabilité – réapparaître après trois mois sans même s’imaginer qu’il ait pu attribuer sa plage horaire, comme s’il n’avait que ça à faire, l’attendre de pied ferme. Cocky much? Mais c'est qu'elle a envie d’y croire, pourtant. Alors, tandis qu’elle décroise les jambes et balaye la pièce d’un regard, des mots se forment sur le bout de sa langue. Une répétition.
Des justifications, des explications dénuées de cohérence. Des excuses. Un peu de tout, un peu de rien. Un discours qu'elle répète comme un mantra. Puis vient le bruit de ses pas. Justifications, excuses, toutes se meurent dans sa gorge au moment où elle le voit. Siham. « Si-, je… » Les mots s’écorchent sur ses dents avant même d’avoir vu le jour, et Rebekka quitte soudainement sa chaise, presque au garde à vous. Elle tente de ravaler son malaise. « Est-ce que… tu aurais une minute pour moi ? » souffle-t-elle doucement, d’une petite voix qui ne lui ressemble décidément pas. Trop lamentable, trop vacillante.

Trop sentimental aussi, que de soudainement ronger la distance qui les sépare, prise d’une pulsion qu’elle mettra sur le dos de la fatigue plus tard. Trop sentimental, que de réclamer sa présence après l’avoir abandonné. Trop sentimental, que d’enrouler ses bras autour de son thérapeute devenu ami parce que son cœur s'est emballé. « Je suis tellement, tellement désolée. »
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Message Mer 15 Avr - 16:25



« Imagine, que toute cette colère, tu la prends entre tes mains, et tu l'éloignes. Je n'y arrive pas ! Je n'y arrive pas ! Je ne peux me défaire des cris, je ne peux me défaire de la peine, je ne peux me défaire de la peur, je ne peux me défaire de la colère. C'est une boule qui retient mon souffle quand je suis en train de dormir. J'ai dû chercher une échappatoire, je n'ai pas voulu tomber dans les travers que je combats, ne veux pas céder à l'autodestruction, ne veux pas m'isoler du cours habituel de mon existence, ne veux pas couper les ponts avec la vie. Et pourtant, j'ai le cœur qui tambourine dès que je sors. Quand je quitte l'appartement jusqu'au cabinet, j'ai une sorte d'appréhension que je n'avais pas ressentie depuis des années. À vrai dire, je n'en veux à personne, et j'apporterai tout mon soutien à la Caste de la Connaissance, comme aux autres. C'est simplement que pour l'instant, j'ignore en quoi je puis leur être plus utile que préjudiciable. Parmi mes patients, aucun ne me semble avoir le profil d'un poseur de bombe. Je baisse le regard sur mes doigts et semble les voir couverts de poussières, une neige brûlante et cadavérique. Un sursaut. Je ne sais pas comment je suis sensé réagir. Je me suis abandonné dans la prière, je pense que c'est ce que tu m'aurais conseillé. J'ai imaginé ta voix.

« Imagine, comme j'imagine les murs autour de ceux qui ont choisi de courir. Dès le jour suivant, je suis venu au cabinet. J'ai ajouté un cadre sur le mur, tout près de la porte. Je me suis dit que je ne changerais pas mes rendez-vous, que ce serait sans doute la meilleure solution. J'ai été malade, le premier soir. Des heures durant. C'était douloureux, je ne pensais que ça ferait si mal, que ça figerait ainsi chacun de mes muscles. Je ne pensais pas que ce serait comme ça. J'ai revu mes choix par le prisme de la punition, ils étaient mauvais. Il y avait sans doute d'autres alternatives, que je n'ai pas vues. Et je n'ai cessé de tout retourner dans ma tête, j'avais raison mais la solution que j'ai choisie était mauvaise. La porte de la salle d'attente se referme. Je ne crains pas pour ma vie, je suis en sursis depuis le second jour, alors mourir, je ne sais pas si j'en ai peur. Ce n'est qu'une forte qui se ferme. Le tic tac de l'horloge dans mon cabinet ferait presque écho à celle de la salle d'attente. Encore quelques minutes. Je choisis de les prendre pour moi, ces quelques minutes de répit. Je ferme les yeux, pose la main au sol, là où je suis assis. Je n'arrive pas à me défaire de leurs colères, de leurs tristesses et de leurs échecs.

« Imagine-la, regarde-la. Elle est là. Rebekka, assise à sa place habituelle, à l'heure habituelle, un rayon de soleil sur une partie de sa main gauche. Je l'ai souvent imaginée là, et même pas forcément à cette heure, même pas forcément ce jour, je me disais simplement qu'elle attendrait ici, un soir peut-être, après la dernière consultation. Je jouais avec les clefs et j'ouvrais une dernière fois en me disant que le temps l'aurait comblée et qu'elle recouvrerait la parole. J'ignore si elle a pu sentir que je l'appelais, que je l'appelais si fort, mais elle a répondu. Elle l'ignore, mais elle a répondu parce qu'elle est assise ici, dans un rayon mâché d'un soleil froid et timide.
▬ Si-, je… mes doigts viennent effleurer mon propre menton alors que le sourire apparaît sur mes lèvres. Je profite de cette seconde, à me dire qu'elle est vraiment là. Ma main gauche peine à quitter la poignée, je m'y cramponne puis m'élance. Un pas dans sa direction.
▬  Est-ce que… tu aurais une minute pour moi ? Tout le temps que je peux lui offrir, je lui offre. Je lui offrirais tout pour chasser cette peine qu'elle a portée et qu'elle porte. Mes bras tombent le long de mon corps et s'ouvrent, pour l'accueillir, et s'ouvrent, l'accueillent. Se referment sur elle. Rebekka est revenue. Se referment sur elle. Je n'aurais pas dû te laisser t'éloigner.

▬ Je suis tellement, tellement désolée. Je soupire doucement et la libèrent quelque peu, profitant du mouvement pour pouvoir la regarder dans les yeux. Ma main balaie sa joue dans un geste lent avant de retrouver la sienne.
▬ Ne le sois pas, lui dis-je simplement avant de l'entraîner dans le cabinet, refermant la salle d'attente derrière nous. Je la laisse entrer, constater que rien n'a changé sinon l'ajout d'une plante par ici, d'un cadre par là et d'un tapis par ici. Je l'invite à s'asseoir, lui laissant le choix de l'emplacement, près du bureau, ou près de la fenêtre. Je m'appuie contre le dit bureau et joins les mains devant moi : Je suis heureux de te revoir, tu m'as manqué... Comment, comment vas-tu ? L'université m'a averti, suite à mon appel, que Rebekka ne faisait pas partie des victimes. Mais il n'empêche que...
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Message Dim 19 Avr - 5:56

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L’habitude perdue des retrouvailles chaleureuses – douces plutôt que douloureuses, rassurantes plutôt que saturées d’amertume et de rancune. Qui l’eût cru. Alors, prise d’une affection qui lui fait tout drôle et d’un enthousiasme dont elle pensait avoir fait le deuil plus d’une fois, elle le regarde dans les yeux. Rebekka oublie parfois, qu’il est envisageable de se retrouver sans se déchirer, de se chercher un instant sans fatalement perdre quelque chose à son retour. Disputes, incompréhensions, ces dernières semaines sont marquées au fer rouge sur son corps, lui brûlent toujours terriblement la peau.
Si elle a certes perdu l’habitude, ça lui revient toutefois peu à peu ; cette pulsion viscérale qui a animé ses jambes, ses bras tandis que son corps ne pouvait décemment plus maintenir la distance. Un automatisme, un instinct aussi naturel que l’air qui s’est échappé de ses poumons au moment où la main de Siham a véhiculé sa douceur et que sa voix a inondé le silence. Ne le sois pas. Alors elle ferme les yeux un instant, et se surprend à sourire franchement ; traces d’une humanité un peu oubliée. Lorsque l’étreinte n’est plus, elle se contente d’accepter la main du jeune homme et de la serrer entre ses doigts – une seule chose à la fois.

Ils se regardent. Ils se comprennent. Est-ce qu’elle va bien ? Elle ne sait plus trop. Difficile de savoir, et encore plus de trouver les mots. Le silence s’étire tandis que Rebekka s’approche prudemment de la fenêtre – le besoin primitif de garder un œil sur l’extérieur, d’assurer une sortie de secours. Maintenir un lien fragile, aussi, parce qu’elle oublie fréquemment qu’il y a un monde qui l’entoure, et que ce dernier n’a pas arrêté de tourner. It just feels this way sometimes. Often. Assise, elle joint ses mains sur ses genoux, et ses doigts s’agitent, évacuent un brin de la tension qui l’habite malgré tout. Elle se racle la gorge. « J’ai connu mieux, je suppose, » lâche-t-elle doucement en haussant les épaules. « Ces derniers mois ne m’ont pas paru particulièrement… réels. » Déni, lui susurre sournoisement la petite voix à l’intérieur de sa tête.
Elle balaye l’évidence d’un revers mental de la main, se mord l’intérieur de la joue et tente de remettre de l’ordre dans ses idées. Le profond vide qui l’habite cherche un exutoire, s’agite et grésille sous la surface de sa peau. Du bout des doigts, elle triture son alliance. « Markus est parti, » souffle-t-elle tout d’un coup. Une explosion, comme s’il lui avait été impossible de se mordre la langue plus longtemps, de ravaler l’inévitable. « Pas définitivement, ou du moins… pas à ma connaissance mais, » et elle ne sait plus sur quel pied danser, de quelle façon exprimer les choses qu’elle n’est elle-même pas sûre d’entièrement saisir. « J’ai besoin de quelque chose pour avancer. Pour avoir l’impression de faire autre chose que de subir sa mort, Siham. » Nora, encore Nora, toujours Nora. « Anya Hanssen m’a convaincue de passer le rituel de sublimation, » une bombe.

Elle fixe son alliance, honteuse, incapable de relever les yeux pour affronter l’expression de son ami. Comment résumer trois mois d’abysses, de ténèbres, d’incertitudes, d'incompréhensions ? « Pendant un temps, tout du moins. Arrivée sur place je… je n’pouvais pas. Faire ça à Markus, » un temps, « te faire ça à toi. » Toujours incapable de soutenir son regard, elle fixe distraitement ses mains, elle-même un peu surprise et gênée par les mots qu’elle murmure du bout des lèvres, comme si elle lui confiait un terrible secret – elle a toujours un cœur, une conscience. Cette vulnérabilité, elle lui coupe presque le souffle. Ayant après tout passé ces derniers mois – ces dernières semaines surtout – à se sentir seule, trop seule, l'admettre semble impensable. « Quoi qu’il en soit, » et elle grogne plus qu’elle ne parle, animale, comme pour compenser sa fragilité précédente, « j’ai décidé que je préférais ta colère à ton absence, tu sais ? » Prête à encaisser, prête à subir – une tendance devenue routine. « Parce que j’ai besoin de toi, » leurs regards se recroisent enfin. « En tant qu’ami, » et sur son visage s’écorche presque un sourire. Rebekka inspire profondément, cherche à s’ancrer dans le moment présent. « J’aurais dû venir te voir, après le… gala. » Une nouvelle vague de culpabilité, sournoise, inexorable. Elle ne voit plus qu'elle et son deuil, parfois. Ceci dit, elle fait tout de même un second pas : « Comment… tu vas ? »
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Message Lun 20 Avr - 23:08



« Imagine sa silhouette qui découpe la lumière, projette le fantôme contre le mur, un fantôme de Rebekka de plus. Je me balance sensiblement en avant, la suis du regard dans ses déplacements, dans ses hésitations. Dans sa nervosité, mon regard ne suit pas le sien jusqu'à la porte, je sais que nous sommes en sécurité. Les journées ne me font pas peur, le défilé des chagrins me fait oublier ceux que j'ai empruntés. Je garde les mains jointes devant moi, me penche davantage comme pour me rapprocher d'elle. Ses mains toujours en mouvement, je le constate souvent chez mes patients, d'ailleurs. Je ne sais pas me maintenir constamment en mouvement ainsi. Je demeure figé, lent, comme emprisonné dans le moment présent, l'usant, l'étreignant jusqu'au suivant.

« Imagine, une enfant, à la façon qu'elle a de hausser des épaules, alors qu'elle laisse planer le doute. Même les beaux jours se perdent dans l'incertitude. Une sorte de flou gigantesque. Je cherche son regard, l'imaginant errer dans les heures comme le fantôme, le fantôme près de ma fenêtre. Qui cherche à s'arracher à son songe. Ils le furent, pourrais-je lui dire. Au fond d'elle, elle le sait. Les semaines ne sont écoulées, les mois se sont fanés. Je tends un fil entre Rebekka et le réel, un fil d'or et je le noue autour de son index. Immobile, je lui demande ce qu'elle a fait tout ce temps. Pas pour la culpabiliser, pour qu'elle s'interroge. Et pour savoir où elle en est, où elle pense en être.

▬  Markus est parti. Une fuite, comme une autre. Un échappatoire, comme un autre. Elle se rattache à lui, une bague entre eux, comme une ancre qui l'empêche de tout laisser s'enfoncer dans l'océan. Pas définitivement, ou du moins… pas à ma connaissance mais... à sa connaissance ? Je l'écoute, sans l'interrompre. Que se sont-ils dit ? J’ai besoin de quelque chose pour avancer. Pour avoir l’impression de faire autre chose que de subir sa mort, Siham. Markus n'était-il donc ce qui la faisait avancer ? Cherche-t-elle à avancer ou à tomber ? Mon prénom semble m'arracher à notre séance, me replace dans le contexte de notre amitié. Parfois, il m'arrive de ne pas savoir si je suis toujours un thérapeute ou si je dois me comporter comme son ami. Mes réactions seraient-elles différentes ? Bien entendu. Le choc. Je me redresse. La négociation. Fais un pas vers elle. La colère. La rejoins. La dépression. Anya Hanssen m’a convaincue de passer le rituel de sublimation. L'accept... le choc. La directrice de l'orphelinat, je la connais. Du moins, de nom. Une maîtresse de branche au sein de la Foi.

▬  Pendant un temps, tout du moins. Arrivée sur place je… je n’pouvais pas. Faire ça à Markus, te faire ça à toi. Je ne brise pas le fil de ses mots, bien que soulagé. Sans doute n'ai-je pas assez confiance en cette Caste pour leur confier Rebekka. Ses mains continuent de parler en même temps qu'elle. Je pose un genou au sol. Lève la main. Quoiqu'il en soit, j’ai décidé que je préférais ta colère à ton absence, tu sais ? Je pose ma main doigts écartés sur les siennes.  Parce que j’ai besoin de toi. J'ai aussi besoin de toi, lui dis-je du bout des yeux. En tant qu'ami. Ma seconde main et comme peignant une toile d'une fragilité affolante, je peins le reste du sourire sur sa joue. De mes index et majeur. Je ne serai jamais en colère, contre toi. En colère, je l'ai été. Contre moi, certainement. Et contre qui sais-je ? Mais comment pourrais-je lui en vouloir ? J’aurais dû venir te voir, après le… gala. Comment... tu vas ? Ma main ne reste pas sur mon visage, vient passer une seconde mon cou. Le souvenir des émotions qui m'ont assailli après le gala m'est toujours désagréable. Je ferme les yeux une seconde puis cherche à la rassurer : Tu n'as aucune obligation envers moi Rebekka. Et je n'ai pas été blessé. « Hasard chanceux ? Ou prévoyance ? » Je fronce les sourcils. Je me redresse, lui tend mes mains ouvertes, paumes vers le haut. Lève-toi, s'il te plaît. J'attends qu'elle s'exécute. Il n'y a pas de mot pour ce que tu traverses, mais laisse-moi le traverser près de toi. Je laisse passer quelques instants, et pour savoir ce qu'elle cherche... Qu'attendais-tu de la sublimation, sincèrement ?
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Message Sam 25 Avr - 2:31

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Une partie d’elle s’attend toujours au pire, remarque-t-elle distraitement tandis que Siham ronge la distance qui les sépare, se fait réconfort plutôt que bourreau. Siham, une béquille qui l’empêche tout juste de se casser la figure alors qu’elle se tient au bord du précipice – et là, à un pas du gouffre, il suffirait d’une brise, d’un rien et pourtant… elle ne tombe pas. Vacille peut-être un peu, ci et là, mais s’accroche à la place à ses doigts. Et si elle n’était pas obligée de trébucher et de sombrer à chaque fois ? Alors lorsqu’il lui présente ses mains, la hisse vers le haut plutôt que de la laisser s’enfoncer toujours plus bas, Rebekka s’élève et se déplie, fait face à son ami plutôt que de se tapir dans l’ombre d’un mensonge.

Ses dents pincent sa langue, la malmènent un instant tandis qu’elle cherche à articuler des mots qu’elle-même n’est pas persuadée de posséder – tout son univers devenu qu’incertitudes. Elle flotte, une poignée de secondes ou peut-être deux ou trois. « Je… des réponses, j’imagine ? » Et elle se balance d’une jambe à l’autre, tente d’énoncer des pensées qui ont cessé de s’ordonner en rangs bien sages – tout ce qu’elle est lui échappe, parfois. « Markus est persuadé que je suis tarée, tu sais ? » souffle-t-elle en pouffant, un rire qui nait dans sa gorge mais s’y meurt aussitôt. « Que je chasse des lubies, que j’me perds dans des désillusions qui ne mèneront nulle part mais… » Elle se mord l’intérieur de la joue, balaye la pièce d’un regard méditatif avant de retrouver le visage de son ami. « Il doit rester quelque chose de Nora, non ? Les contrées divines, les rituels magiques, aux côtés d’Odin ou de Mimir ou que sais-je, » Et elle s'agite, vomi verbal qui témoigne de l’urgence qui continue d’animer ses recherches.
La permanence de la mort, une conclusion à laquelle elle refuse pertinemment d’arriver, pas quand il reste un brin d’espoir. Une montagne de manuscrits, runes et magies, toutes aussi prometteuses qu’inexplorées. Seulement aujourd'hui ? Inaccessibles. « Être l’assistante d’Evjen et enseigner à l’université ne suffit plus, Siham. Pas quand les castes mettent sous clé la plupart des textes, n’autorisent pas une simple humaine à parcourir les recherches et les écrits. » Et pour Rebekka, la réalité de Senja, de ses Dieux et de son aristocratie n’a jamais été aussi flagrante et perceptible.

Une obsession à la limite de la folie. L’impression de pouvoir toucher la réponse du bout des doigts, mais d’être incapable de s’en saisir. Elle la voit, là, en aperçoit les contours sans être en mesure d’entièrement la distinguer. La frustration grandissante – un deuil qu’elle refuse de faire tant que toutes les alternatives n’auront pas été épuisées. « Devenir une sublime du divin paraissait cohérent… une façon d’avoir un accès privilégié. Grâce à la caste, grâce à Hanssen. » Et elle secoue la tête, comme si elle balayait le concept d’un geste décousu. Elle passe une main dans ses cheveux, tente d’y puiser un aplomb qu’elle n’y trouve pas. « Je… je peux pas lâcher prise. Pas maintenant, pas si vite. Pas quand elle a peut-être toujours besoin de moi. » Ou moi d’elle… Mais ça, elle se mord la langue et ne le partage pas. À la place, elle répète: « Être une simple humaine ne suffit plus, Siham. » Pas ici, pas maintenant.

Les choses ne marchent pas comme ça, à Senja.

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Message Sam 25 Avr - 18:01



▬ Je… des réponses, j’imagine ?

« Imagine... Imagine... Il n'y a pas de réponse que la sublimation puisse apporter au sujet de la disparition d'un enfant. Je ne pense pas. Du moins, jamais ce ne seront les réponses que Bekka voudra entendre. Elle recherchera toujours une raison, une explication, et une façon de faire marche arrière... marche arrière jusqu'à la négociation avec... en face de soi le silence. Rebekka ne supporte pas le silence à ses questions, il résonne avec l'absence des rires, de la voix, des questions, des hésitations, des cris... Sans doute le silence est-il trop difficile à supporter. Et quelque part, je peux comprendre sa volonté de savoir, de traverser des déserts de difficultés et des océans d'épreuves pour savoir... Je comprends, je suis désolé, que tu veuilles des réponses Rebekka. Et je ne les ai pas. Je ne sais pas si tu les trouveras. Du moins celles que tu attends.

▬ Markus est persuadé que je suis tarée, tu sais ? Elle a une sorte de rire nerveux, je ne saurais le décrire. Est-ce qu'une part d'elle lui crie qu'elle poursuit des chimères, un fantôme ? Je ne peux pas juger l'opinion de Markus, et je ne peux même pas trancher entre savoir s'il a dit une chose pareille, ou si Rebekka tire des conclusions... Je ne veux pas lui demander tout de suite. Que je chasse des lubies, que j’me perds dans des désillusions qui ne mèneront nulle part mais… Je pince les lèvres, cherche son regard. Elle cherche les mots, elle cherche...  Il doit rester quelque chose de Nora, non ? Les contrées divines, les rituels magiques, aux côtés d’Odin ou de Mimir ou que sais-je. Ce que je lui répondrais ne lui plaira forcément pas. Mon indifférence à l'égard de mon père m'a préparé depuis longtemps à apprendre sa mort. Qu'elle ait déjà eu lieu ou pas. Et sa fille est aussi morte pour lui, nous n'en sommes plus à essayer de rattraper l'un l'affection de l'autre. Mon doigt vient frotter ma tempe le temps de prendre quelques secondes pour réfléchir.
▬ Il reste quelque chose de Nora, lui dis-je finalement, mon index se détachant de mon visage pour désigner son cœur malade, le palpitant en souffrance. Mais ce n'est pas ce que tu cherches, ou qui tu cherches. Est-ce que tu penses retrouver Nora ?

« Imagine, mon désarroi quand elle explique qu'elle a besoin de plus... qu'elle souhaite vraiment mener ses recherches à leur terme... J'écarquille les yeux, l'écoute sans savoir comment l'arrêter. On n'arrête pas l'amour désespéré d'une mère envers son enfant, je suppose... Et je ne veux pas qu'elle succombe à la première promesse d'un Surnaturel malintentionné qui profitera de sa détresse. Je vois les rouages de ses raisonnements s'activer dans tous les sens.
▬ Devenir une sublime du divin paraissait cohérent… une façon d’avoir un accès privilégié. Grâce à la caste, grâce à Hanssen. Elle se met à secouer la tête, excluant la possibilité comme elle vient de la poser sur la table. Je recule sensiblement pour lui laisser un peu d'espace. Je la sens comme acculée, et son comportement d'animal en cage le montre aussi. Je… je peux pas lâcher prise. Pas maintenant, pas si vite. Pas quand elle a peut-être toujours besoin de moi. Je me dirige à mon bureau et m'assieds dessus. Mon corps se tord pour que j'accède au tiroir de gauche duquel je sors une petite boîte en métal. Je l'ouvre et la pose sur le coin du bureau, dévoilant les petites imitations de bananes gorgées de sucre. J'en mets une dans ma bouche en secouant la tête. Être une simple humaine ne suffit plus, Siham.
▬ Je vais te parler en tant qu'ami. J'aimerais t'ouvrir toutes les portes, te laisser tout explorer mais Rebekka, la sublimation n'est pas un simple laisser passer. Est-ce que tu te rends compte à quel point ta vie et ton existence seront liées à la vie et au bon vouloir d'un autre ? Je réfléchis, reprends un bonbon puis lui demande : Tu as dit ne pas pouvoir lâcher prise « si vite », n'est-ce pas ? Personne ne te juge Rebekka, personne ne porte de regard sur le temps qui t'est nécessaire pour.. faire ton deuil. Je ne laisse pas trop planer ces deux derniers mots, qui seront forcément les plus durs. Elle ne semble pas prête pour un adieu. Je ne veux pas lui proposer de s'engouffrer dans une situation dans laquelle elle sera piégée, et je ne veux pas la laisser, avec sa détresse, dans la nature face à qui saura entendre qu'elle est désespérée et prête à tout...
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Message Mer 29 Avr - 21:17

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Se balancer d’un côté et d’un autre, virevolter sans être en mesure de s’accrocher à la moindre once de stabilité. Elle ne fait que subir, et subir. La vie, la mort, les autres et leurs mots, et si ces derniers sont pourtant remplis de bonnes intentions, le résultat n’en est pas plus digeste. Elle avale et elle ravale, mais aujourd’hui, les propos qui la dérangent restent coincés dans sa gorge. Elle étouffe. Depuis combien de temps est-ce que le monde se plait à la balloter d’une extrémité à l’autre de la folie ? Un pas à gauche, un pas à droite, seulement, la force de la succession fait qu’elle n’avance pas – et ce qui n’avance pas ne peut que dépérir. Ce qui s’arrête, crève.
Rebekka penche la tête, comme si le mouvement pouvait l’aider à mieux appréhender les mots qui viennent de s’échapper de la bouche de son ami et, pendant un instant, elle se tait. Le temps d’un silence, elle contemple les règles du cosmos, de la vie, le fait qu’il y ait quelque chose de profondément contre-nature dans l’absence de résistance. Et c’est peut-être une bonne chose, cette flamme qui s’anime et crépite à l’intérieur de son estomac – ça réveille et ça pique. No more taking it lying down, no. Sa langue claque contre son palais, et elle pivote en direction de la fenêtre, balaye la rue d’un regard distrait. « J’en ai plus qu’assez qu’on me parle de deuil. De mon deuil, de mes sentiments, de ce qui est juste, de ce qui est faux. Ce n’est pas parce que j’ai perdu ma fille que je suis devenue l’enfant, » rétorque-t-elle calmement. Le feu s’agite, un ras-le-bol incandescent. « J’enseigne à l’université, Siham. Nos Dieux ? Je les ai étudiés en long, en large et en travers. Hier, aujourd’hui, demain – assez, je t’assure, pour être parfaitement consciente de ce qu’implique un rituel de sublimation. » Je suis qualifiée, bordel de merde, qu’elle a envie de crier au monde entier.

Plus qu’une pauvre mère rongée par le chagrin de sa perte, elle se sent investie d’un pouvoir, d’une quête. Comprendre, savoir. Délier l’impossibilité pour en faire une réalité, même si personne n’y croit. « On me voit sans me voir, tu sais ? » souffle-t-elle brusquement, abandonnant le carreau pour se retourner vers son ami et le dévisager. « Peut-être parce que je rends les gens mal à l’aise. Parce qu’une personne respectable est censée faire preuve de pragmatisme et de dignité face à la mort. Non ? » Et elle s’interroge à voix haute, comme si elle ne faisait que partager avec lui la plus personnelle des introspections. « Je les emmerde, » qu’elle lâche simplement, timbre aussi posé que si elle venait de lui demander deux sucres dans son café. « Alors s’il te plait, en tant qu’ami, » et elle répète ses mots, retour à l’envoyeur, « ne me prends pas pour une petite chose fragile et inconsciente. Pas comme Markus. Pas comme les autres. » Do better.

Une main passe dans ses cheveux, et ses paupières s’abaissent brièvement. Elle respire un grand coup, s’applique à lâcher un peu de la tension qui lui compresse la poitrine en permanence, puis rouvre les yeux. « Nora n’est pas là, » paume qu’elle plaque contre son cœur avant d’aller tapoter un index contre sa propre tempe, « elle est ici. » Cérébral, et intenable. « Constamment, en permanence. Tous les jours, toutes les nuits. » Et elle dort peu, et elle dort mal. Toujours à deux doigts d’avancer, mais ce n’est jamais assez. Un pas, puis deux, Rebekka ronge la distance qui la sépare du thérapeute. « Alors dis-moi, ne serais-tu pas le mieux placé ? Pour comprendre ce que c’est que de chercher la vérité ? » La sienne, à défaut de celle des autres. Ceux qui ne comprennent pas, ou refusent tout simplement de le faire.
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Message Jeu 30 Avr - 16:01



▬ J’en ai plus qu’assez qu’on me parle de deuil. De mon deuil, de mes sentiments, de ce qui est juste, de ce qui est faux. Ce n’est pas parce que j’ai perdu ma fille que je suis devenue l’enfant...

« Imagine-la, s'agacer quand on lui parle de deuil, quel autre mot y a-t-il ? Je pourrais lui dire qu'éviter de le prononcer ne reculera pas le moment de le faire, ou plutôt si... elle pourra le reculer, le reculer jusqu'à lui faire faire le tour de tous les possibles, le tour de tous les rêves, le tour de tous les espoirs. Après avoir tant voyagé, ne sera-t-il pas plus difficile à accepter ? Pense-t-elle vraiment qu'elle parviendra à ignorer cette échéance ? Il n'y a que les morts qui ne craignent pas la mort. Je l'observe en espérant qu'elle ait davantage soif que de vie que de mort... même si ça la conduit aux frontières entre le rêve et la réalité, quand le mystique ferme ses portes aux humains...

▬ J’enseigne à l’université, Siham. Nos Dieux ? Je les ai étudiés en long, en large et en travers. Hier, aujourd’hui, demain – assez, je t’assure, pour être parfaitement consciente de ce qu’implique un rituel de sublimation.

« Imagine, son visage... Je hoche de la tête pour la ramener dans une zone de sécurité, dans une certaine mesure. Bien entendu qu'elle connaît les rites de sublimation mais je n'ose imaginer ce qu'il faut de force pour supporter les peines d'un autre en plus des siennes. Qu'est-ce qu'elle fera face à cette accumulation ? Elle est piquée, du moins, elle semble piquée, presque vexée si nous en étions toujours là.

« Imagine, un instant de silence. Je lève la main, essayant de l'arrêter avant que les mots ne dépassent ses pensées. Je guette les mouvements de sa cage thoracique, de son cœur fou qui ne sait pas s'exprimer, ou ne sait plus se taire... Je me rapproche d'elle et elle pivote soudain dans ma direction :
▬ On me voit sans me voir, tu sais ? Peut-être parce que je rends les gens mal à l’aise. Parce qu’une personne respectable est censée faire preuve de pragmatisme et de dignité face à la mort. Non ?
▬ Nul n'est indigne face à la mort. Même si tous, à l’unisson, nous pouvions crier à Rebekka de faire son deuil, chacune de ses réactions resterait légitime. Nul n'est indigne, quand on essaie de le briser. C'est l'impuissance – la mienne – qui me rend, pour ma part, mal à l'aise.
▬ Je les emmerde. Oui. Très bien. Alors s’il te plait, en tant qu’ami, ne me prends pas pour une petite chose fragile et inconsciente. Pas comme Markus. Pas comme les autres.
▬ Rebekka. Je sais que tu connais la sublimation. Et pourtant, tu ne connaîtras jamais autant ton sublimateur qu'après cette cérémonie. Je me rapproche, alors qu'elle confie son mal-être, son obsession, son refus de lâcher prise... Elle vient vers moi, me voilà à contempler les nuances dans son regard brillant.
▬ Alors dis-moi, ne serais-tu pas le mieux placé ? Pour comprendre ce que c’est que de chercher la vérité ?

« Imagine, mes lèvres, se mouvoir et livrer... Il n'y a pas qu'une vérité. Les vérités sont multiples. Et la vérité ne doit pas se mettre au service de sa détresse. La vérité m'a fait beaucoup de mal dans ce que je rangerais négligemment dans 'le passé'. Je me redresse, et balance mon regard entre le plafond, la fenêtre, la porte. Je baisse les yeux sur elle à nouveau. Je lève les mains pour les poser contre ses épaules.
▬ Voici ce que je te propose Rebekka. Confie-moi ta peine, confie-moi cette rancœur et cette colère, donne-moi tout. Ensuite, dis-moi sincèrement si c'est vraiment ce que tu souhaites, et si tu te sens prête pour ça. Si c'est le cas.. Accepte que je te protège.
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Message Jeu 7 Mai - 1:11

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Sans pour autant s’estomper complètement, son courroux s’effiloche, petit à petit, souffle après souffle. Rebekka le dévisage avec une attention toute nouvelle, le voile d’un calme tout à fait précaire sur les yeux et les sourcils froncés. Protéger ? Le concept l’intrigue, même si la formulation ne la surprend pas plus que ça, pas quand cette dernière s’articule sur les lèvres de Siham – l’empathe par excellence. Le feu qui crépite sous la surface n’en démord pas, mais une partie plus objective, plus raisonnable, accepte l’attention qu’il s’évertue à lui porter, se laisse alors ancrer par cette emprise sur ses épaules.

Un soupire las quitte sa bouche, mais elle s’efforce de redétendre l’atmosphère. Son ton se fait plus doux. « Tu sais, cette amitié, » souffle-t-elle en les désignant à tour de rôle d’un bref geste de la main, « cette amitié ne peut pas fonctionner que dans un sens. » Une de ses paumes se pose sur les doigts de Siham, un compromis. « Toute cette noirceur et cette peine, elles m’appartiennent. Et elles font tellement partie intégrante de moi que… j’suis même plus certaine de savoir fonctionner sans elles. » Un sourire presque désolé écorche ses lèvres. « Je sais que tu veux bien faire, mais… Si c’est moi qui essayais de te protéger ? De tout ce qui s’agite, là, » l’interroge-t-elle en tapotant sa propre tempe du bout des doigts. « Tu prends, et tu prends. Mais j’ai peur qu’un jour ce soit trop, et que tu craques sous le poids que t’as accumulé sur tes épaules. » Et qu’est-ce qu’elle peut dire de plus ? Ses mots sont imbibés d’une sincérité toute particulière, et il s’agit peut-être de ceux qu’elle aurait aimé entendre il y a quelques mois de cela, avant qu’Odin lui prenne sa fille, quand elle se sentait encore humaine et pas comme une simple carcasse vide.
Aujourd’hui, elle n’a plus d’excuses ; ses erreurs lui appartiennent à elle et à elle seule, et la rédemption n’est plus à portée de main – si Enfer il y a, elle sait qu’Hel l’y attend au tournant. Seulement, si elle est condamnée, Siham ne l’est pas, et la réflexion catalyse comme un raz-de-marée, un sentiment qui s’empare violemment de ses tripes et lui coupe presque le souffle. Parce qu’elle ne veut pas qu’il finisse comme elle. Parce qu’il ne mérite pas de finir comme elle.

Son emprise sur les doigts de son ami se fait plus pressante, et elle laisse flotter un silence, le temps de reprendre contenance. Une façon de le rassurer, mais de se rassurer aussi – elle sait encore faire la part des choses. « Alors dis-moi. Cette histoire de protection, une façon détournée de me faire une offre ? » qu’elle demande en sondant attentivement son regard. « Toi, plutôt qu’Anya ? » Un sourire, un pas en avant. Ensemble ?
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Message Lun 11 Mai - 16:18



▬ Tu sais, cette amitié... Mon regard suit les mouvements de sa main, qui s'agite entre nous, j'attends la suite. Cette amitié, à vrai dire, n'aurait jamais dû voir le jour. J'ai été trop touché, un peu trop par ses mots, par ce qu'elle ressentait, par elle. C'étaient les débuts, je n'étais pas rodé et je ne sais pas si ce n'est que l'effet du transfert ou si de toutes façons, nos chemins se seraient croisés. Je me plais à me dire que ça aurait été le cas. Un jour différent. Un lieu différent. … cette amitié ne peut pas fonctionner que dans un sens. Je baisse le regard sur sa main, je comprends ce qu'elle veut dire. Toute cette noirceur et cette peine, elles m’appartiennent. Et elles font tellement partie intégrante de moi que… j’suis même plus certaine de savoir fonctionner sans elles. Elle semble désolée, et je le suis tout autant. De ne pouvoir la libérer de ça, de ne pouvoir la convaincre que sous la peine, il restera encore Rebekka, toute entière. Plus certaine de ne pouvoir fonctionner sans la noirceur et sans la peine. Mais la noirceur n'est-elle pas l'image la plus parfaite qui correspond à l'ignorance ? Rebekka ne peut pas rester cloîtrée dans le noir, indéfiniment... Ce n'est pas viable.
▬ Tu pourras le faire, lui dis-je simplement à voix basse. Pas d'injonction, pas d'ordre. Rebekka n'est pas prête à recevoir un ordre et je ne suis pas celui qui les donne de toutes façons... Simplement lui rappeler qu'elle en est capable, quand le moment viendra, quand son choix sera fait et son esprit prêts, elle pourra le faire. Rien de ce que nous empruntons ne peut nous définir. Pas entièrement.
▬  Je sais que tu veux bien faire, mais… Si c’est moi qui essayais de te protéger ? De tout ce qui s’agite, là... elle désigne sa tête. Je n'ai pas peur de tout ce qui s'agite là. Parce que je sais que je ne le garde pas. Je dois juste rester debout le temps qu'ils sont là, mais ils ne me font pas vraiment peur. Je n'ai pas de sursaut d'arrogance, je ne prétends pas pouvoir tous les gérer parfaitement, comme je devrais le faire. Sans doute un jour pourrais-je les prendre et les abandonner dans un objet. Tout enfouir dans une syngue sabour jusqu'à ce qu'elle explose finalement. Tu prends, et tu prends. Mais j’ai peur qu’un jour ce soit trop, et que tu craques sous le poids que t’as accumulé sur tes épaules.

« Imagine, son sourire, son inquiétude. Je ne sais ce qu'il se passera. Qu'est-ce donc que craquer ? Est-ce qu'ils laisseront leur trace, tous, leur trace sur moi ? Est-ce qu'à un moment, je ne parviendrai plus à chasser les fantômes des émotions perdues et rendues ? Ai-je déjà craqué ? Je hausse des épaules, le temps de réfléchir quelques instants sur l'incident qui a eu lieu le lendemain de l'attentat. Était-ce ça, le signal d'alerte que je n'ai pas entendu ? Mais je ne veux pas que ça arrive à Rebekka. Je voudrais tellement dérober sa peine, comme un voleur, et ne jamais pouvoir la lui rendre. Mais je ne peux ainsi trahir son chagrin ou sa confiance... Suis-je destiné à n'être personne, à me chercher un nom, à me chercher un corps, à me chercher une émotion qui me manquent ? J'inspire doucement, préfère me concentrer sur les mots de Rebekka.
▬ Tout ce que je prends, je le rends. Aucune des émotions qui vient en moi n'y reste. Je lui souris, comme si ces heures d'entre-deux n'existaient pas vraiment. Une simple parenthèse. Mon regard bascule sur sa main.
▬ Alors dis-moi. Cette histoire de protection, une façon détournée de me faire une offre ? Je quitte sa main, relève sensiblement le visage pour constater qu'elle essaie de trouver une réponse dans mon regard. Toi, plutôt qu’Anya ? Dis-lui la vérité.
▬ C'est exact. Parce que je n'ai pas confiance dans le Divin et que si tu tiens à poursuivre tes recherches, notre Caste me semble la plus... adéquate. J'attends quelques instants, ajoute : Je ne souhaite pas que quelqu'un profite de ta détresse. Mais je veux que tu sois sure.
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Message Dim 17 Mai - 1:07

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Un petit sourire écorche ses lèvres, ses poumons se délestent d’un poids, et c’est comme si son corps l’autorisait finalement à respirer, vraiment respirer. Là, au bout d’un couloir qu’elle pensait sans issue, une sortie de secours. Mimir lui tend une main en même temps que Siham inonde le silence, et en réponse, une quiétude toute nouvelle se niche au creux de sa poitrine. Une confirmation verbale, une possibilité concrète – une famille, une opportunité. Et elle hoche la tête, les yeux brillants. Une sorte de reconnaissance tacite, le temps de chercher et trouver ses mots. Ce moment, elle redoute de le tâcher, de le contaminer si elle venait à parler trop vite, alors elle se tait.
Le coin de ses lèvres se relève, comme si l’émotion qui émanait de leur conversation était contagieuse, mais au fond de son estomac, un poids. Une prise de conscience – les conséquences inévitables d’une décision qu’elle est indéniablement sur le point de prendre, et la déception de Markus imprimée quelque part à l’arrière de ses paupières. Les questions se bousculent, et elle sait que son visage la trahit, elle et la querelle qui oppose soulagement et appréhension. This is the end, isn’t it? Alors elle se mord la lèvre inférieure, cherche ses mots, penche la tête. He left you, he’s been lying to you for weeks now and you know it. What are you waiting for? Une petite voix mesquine qui s’agite et se fait de plus en plus vicieuse, qui se délecte de la paranoïa que l’absence de Markus alimente un peu plus chaque jour. Après tout, il n’est pas là pour se défendre. « D’accord, » souffle-t-elle finalement tout bas. « Je ne suis pas une demoiselle en détresse mais… d’accord. Toi, et moi. » Et une façon de se rapprocher de Nora.

Elle-même est forcée d’admettre que la douleur n’est plus aussi lancinante, aujourd’hui – parce que les choses paraissent toujours moins terribles accompagnée et en pleine journée. Seulement, le soir venu, seule et perdue dans un monticule de manuscrits, elle étouffe. La marée monte, et elle patauge et elle se noie. Mais si avec lui, avec Siham, les choses étaient différentes et qu’elle ne sombrait pas ? La possibilité est attrayante, passe temporairement sous silence les inquiétudes qui grésillent sous la surface. Now’s your chance to get her back, somehow. Right?
Rebekka respire un grand coup. « C’est ce que je veux, Siham. J’ai besoin d’avancer, j’ai besoin de… comprendre. Alors si tu veux bien de moi dans ta tête, » qu’elle lâche presque timidement, « c’est ce que je veux, oui. C’est ce qu’il me faut, j’en ai la certitude. » L’ombre d’un sourire, une main qu’elle passe dans ses cheveux comme pour reprendre contenance. « J’ai confiance en toi, tu sais ? Mais qu’en est-il de toi ? Ce sacrifice, est-ce que tu y as sérieusement réfléchi ? Ou est-ce qu'il s'agit de me sauver moi, parce que tu penses devoir porter le poids du monde sur tes épaules ? »
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Message Mar 19 Mai - 0:25



▬ D'accord, dis-je comme en écho à sa propre voix, comme pour briser le silence égratigné de son chuchotis. Parce que nous ne faisons rien de mal, parce que nous n'avons pas peur, parce que nous avons confiance. Je fais confiance à Rebekka, sincèrement. Si sa survie passe par la sublimation, alors qu'il en soit ainsi... Je me redresse sensiblement, baisse le regard sur elle et me mords inconsciemment la lèvre inférieure. Un sourire apparaît – se dessine pour briser toute la pression accumulée jusque là, dans chacun de nos mots, une danse à l'aveugle pour ne pas la faire fuir de nouveau, pour ne pas la renvoyer dans sa recherche dans le noir... Tu n'es pas une demoiselle en détresse... Et je ne suis pas un chevalier qui sauve les demoiselles, de toutes façons. Je suis probablement celui qui correspondrait le moins à l'image dont on se ferait de ce chevalier. Toi, et moi. Et tous les fantômes qui t'accompagnent, ligotés aux regrets. Jusqu'à leur dire adieu.

« Imagine, cette seconde, qui détermine tout. Après une sorte de mise au point, peut-être une correction due à l'orgueil, peut-être pas... Tout ce que je souhaite, c'est être suffisamment en paix pour ne pas lui apporter de nouveaux poids qui alourdiraient sa marche, qui la rendraient plus pénible... Parfois je me dis que le fait de peu oraliser n'est pas forcément une bonne chose. Je ne sais pas, certains ont besoin de pousser un cri, de s'énerver, de frapper les murs pour aller mieux... J'ai essayé, quand ces autres m'envahissent, ça ne me soulage pas.

▬  C’est ce que je veux, Siham. J’ai besoin d’avancer, j’ai besoin de… comprendre. Alors si tu veux bien de moi dans ta tête... mon regard ne l'abandonne pas. Ce besoin d'avancer, il ne peut être que bénéfique. Mimir ne peut que lui offrir les réponses dont elle a besoin... Mimir ne lui mentira pas, ne lui offrira pas la douceur des mots qu'elle voudrait entendre, qui l'enfermeraient dans une douce folie, une nuit sans fin... j'ai confiance en Lui, comme j'ai toujours eu confiance. Je joins les mains devant moi. Suis-je prêt à accueillir la présence de Rebekka, définitivement ? Du moins, bien plus longtemps que je ne le fais d'habitude. Et suis-je prêt à lui renvoyer ce que je renferme tous les jours ? c’est ce que je veux, oui. C’est ce qu’il me faut, j’en ai la certitude. Alors, qu'il en soit ainsi.

« Imagine, la sublimation comme sacrifice. Il n'en est rien. Il a toujours s'agit d'un échange, d'un lien, d'une promesse. L'un des deux ne peut être totalement perdant, du moins pas dans notre caste. J'esquisse un sourire, touché par la bienveillance de ses questions et me sépare d'elle pour venir m'appuyer à nouveau exagérément contre le bord de mon bureau, arrivant presque à sa hauteur.
▬ Je ne pense pas qu'on puisse réellement sauver tout le monde, mais si tu veux la Vérité... pour moi, il est de notre devoir d'essayer. Mais ici, mon regard cherche le sien, il ne s'agit pas de te sauver mais de t'accompagner. Je n'ai pas de secrets à garder. Rien de ce qui me concerne n'est vraiment un secret, d'ailleurs. Pourquoi faudrait-il que ce soit le cas ? Je n'ai pas de poids à porter. Je ne saurais porter le poids du monde sur mes épaules... Je ne fais que suivre parfois la raison, parfois l'émotion et quand les deux se conjuguent au pluriel, c'est parfait. Que Rebekka me laisse de sa force, qu'elle m'ouvre les portes de son courage, c'est toi qui m'offres – qu'elle m’offre le privilège de t'accompagner jusqu'à Mimir, et sa lumière. Et ce n'est pas une âme égarée, parmi une foule, c'est Rebekka... Et je tiens beaucoup à toi, bien sûr. C'est parce que nous sommes amis depuis des années aussi, que je lui propose ce pacte, aujourd’hui. D'accord... toi et moi. Est-ce le moment où je te demande s'il y a des choses à mon sujet que tu aurais envie de connaître ? Quelle étrange expérience, de poser cette question au sein de mon propre cabinet... Le temps a retenu son souffle, à moins que ce ne soit que moi...
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Message Dim 24 Mai - 15:14

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Des mots, encore des mots. Rebekka y a toujours accordé une attention toute particulière, préférant volontiers s’égarer entre les lignes du théorique plutôt que de se risquer à trébucher en pratique. L’attrait d’un passé gravé dans le marbre, d’une formule à interpréter, d’un livre qu’elle n’aurait qu’à investir de sens tandis que le présent, lui, l’écorche de toute son incohérence. C’est que la peau de ses genoux s’est déjà parée de nombreuses cicatrices, stigmates de sa maladresse – a-t-elle seulement jamais été capable de tenir debout sans le support d’autrui ? Niklas, Zakaria, Markus. Sa fille. Une nouvelle paire de béquilles, Siham et Mimir, maintenant qu’elle vacille.
La vérité s’éloigne, la vérité lui échappe, des années déjà qu’elles se toisent et se narguent – mais quelque chose a changé. L’air oscille, une simple variation dans l’atmosphère, assez toutefois pour lui permettre d’y voir finalement un peu plus clair ; dissimulée dans ce qu’elle pensait être un mur sans issue, une porte dont il suffirait de récupérer la clé.

Naturellement ses jambes se remettent en marche et rongent le sol qui s’étire entre le bout de ses bottes et le bureau contre lequel son ami s’appuie. Prudemment, elle prend place à ses côtés et, du coin de l’œil, s’emploie à sonder son profil avec attention. Parce que son expertise réside ailleurs, Rebekka remarque qu’il est décidément plus facile d’éplucher un livre que de lire un visage, raison pour laquelle elle convient de joindre la parole au geste. « Tellement de choses qui m’empêchent de trouver le sommeil la nuit, t’as pas idée, » souffle-t-elle, railleuse. « Ta couleur préférée, les chansons que tu chantonnes sous la douche le matin… » De la pointe de sa chaussure, elle tapote doucement la semelle de Siham. « T’en fais pas, va. Je jure de passer tout ce qu’il y a d’embarrassant sous silence si tu me promets de faire pareil, » concède-t-elle en haussant les épaules, déterminée à alléger l’atmosphère. Pourtant, l’appréhension la guette.
Ses dents agacent l’intérieur de sa joue un instant, comme si elle s’affairait à mâcher ses mots avant de les articuler. Quelques secondes, une ou deux minutes aux airs d’éternité. « Je- j’ai besoin de savoir que je continuerai à être… moi. » Le timbre de sa voix pas plus haut qu’un murmure, les bouts de ses doigts pianotent rythmiquement sur le rebord du bureau. « Je suis loin d’être naïve, tu sais. Un partenariat, une connexion, certes. Mais il n’y aura qu’une seule personne en mesure de tirer sur la corde. Toi. » Son regard glisse sur le sol pour ensuite s’accrocher à un point imaginaire dans un coin de la pièce. « Je te connais, mais j’ai besoin que tu me le dises, » des mots, encore des mots. « Quoi qu’il arrive, je garde mon libre-arbitre. Pas d’ordres, pas de balades inautorisées dans ma tête, » qu’elle énonce fermement. « Tout, absolument tout se fait d’un commun accord. Tu comprends ? » Ses yeux retrouvent Siham, et elle s’applique à gonfler ses poumons d’air. Un long souffle inaudible s’échappe ensuite de ses lèvres entrouvertes. Un murmure qui se veut enjoué : « Est-ce que c’est le bleu ? Ta couleur préférée ? » Entre ses doigts, la clé.
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Message Mer 27 Mai - 15:43



« Imagine, la silhouette de Bekka qui quitte mon champ de vision, s'efface alors que mon corps demeure figé, dans l'attente. Une fois encore. Mais je ne suis pas condamné à la patience, je sais qu'elle est une alliée plus qu'un ennemi. Parce qu'elle ne marche jamais seule. Du temps, il arrive que ce soit le dernier coup de main dont le destin ait besoin, une clepsydre en train de vider sa moitié supérieure avec un bruit d'eau ou un silence de sable. Et là voilà, revenue. Arrivent avec elle un futur aux visages multiples, aussi multiples que les possibilités qu'elle offre, qu'elle engendre, et refuse de laisser s'envoler avec le temps... Je la sentirais presque, contre mon bras, près. Nous voilà tous deux dans une posture similaire, tous les deux dessinant nos ombres allongées sur le sol. Il pourrait presque me prendre l'envie de lever le bras et de dessiner une créature obscur du bout des doigts. En son absence, je me serais amusé à le faire, à délaisser un peu du réel sur l'éphémère sans visage.

▬  Tellement de choses qui m’empêchent de trouver le sommeil la nuit, t’as pas idée...

« Imagine, moi, un peu bête, me tournant vers elle, ne comprenant dans un premier temps pas la plaisanterie. Et pourtant, mon oncle, tu en faisais de beaux, des tours de magie. Du moins tu rendais magiques tes tours, devrais-je maintenant. Je cherchais l'astuce, et avec le temps, j'essayais de trouver l'astuce, le second sens dans les mots. Parfois, il m'échappe encore. Et pourtant l'intention, n'est-ce pas nos intentions qui nous portent ? Nos ambitions à conquérir, nos combats perdus d'avance ? J'esquisse un sourire vers mon amie que rien de ma courte histoire ne saurait interrompre le sommeil. Moi-même, je n'ai pas perdu le sommeil. Il a toujours été une porte que j'étais le seul à ouvrir, vers une destination que j'étais le seul à connaître..

▬ Ta couleur préférée, les chansons que tu chantonnes sous la douche le matin… Son geste appelle mon attention, je relève les yeux sur elle et lui souris, me joignant à sa plaisanterie.  T’en fais pas, va. Je jure de passer tout ce qu’il y a d’embarrassant sous silence si tu me promets de faire pareil. Mon épaule vient pousser doucement la sienne et je lui souffle justement que ça me paraît bien, comme arrangement.

▬ Je- j’ai besoin de savoir que je continuerai à être… moi, dit-elle soudain. Enfin soudain dans le silence qui cherchait à s'installer mais sa voix à peine audible. Et je peux comprendre sa peur. Je fronce les sourcils sans l'interrompre, la laissant se confier, du moins confier ses craintes. Elle ne pourra pas revenir en arrière, jamais ou si difficilement... et je ne suis pas un marionnettiste, je ne me suis jamais vu le devenir. Je suis loin d’être naïve, tu sais. Un partenariat, une connexion, certes. Mais il n’y aura qu’une seule personne en mesure de tirer sur la corde. Toi. Je prends une longue inspiration, cherche les bons mots... longuement...
▬ Nous sommes tous... le mot qui me vient est : faible. Mais je ne veux pas piquer son orgueil, ce n'est pas mon intention. Je veux simplement qu'elle comprenne que je ne suis pas tout-puissant, et même une fois le rituel passé, s'il a lieu, je ne le serai pas. Jamais. Nous sommes tous... vulnérables, en face d'au moins une personne. Je passe la main contre ma bouche, mon menton, une partie de ma joue, perds mon regard dans le vide. Ce ne sera pas moi.
▬ Je te connais, mais j’ai besoin que tu me le dises. Quoi qu’il arrive, je garde mon libre-arbitre. Pas d’ordres, pas de balades inautorisées dans ma tête. Tout, absolument tout se fait d’un commun accord. Tu comprends ?

« Imagine, cet instant, ce frisson qui me parcourt l'échine. Un ordre qui doit être suivi. Tu les connais les ordres mon oncle, n'est-ce pas ? Et si ton esprit n'a pas commandé à ton corps d'obéir, tu l'as quand même fait. Nous l'avons tous fait à un moment donné, nous nous sommes arraché à notre conscience, nous nous sommes arrachés à ce que nous étions à cet instant pour nous conformer à l'ordre, pire, à la demande. Parfois même, l'ordre n'était pas formulé. Tu sais, plus les années passent et plus je réalise qu'il m'est plus facile d'écouter que de parler, et j'ai parfois peur d'être enfermé loin de ce monde. Penses-tu qu'il me fasse peur, sans que je ne m'en rende vraiment compte ? Penses-tu que nous ne nous reconnaissons plus vraiment ? Ma main est toujours contre mon visage, me réduits au silence. Finalement, mes doigts glissent contre ma nuque et, me rendant compte que je bouge trop, je les joins devant moi.
▬ Je sais ce que qu'on ressent... Mon corps abandonne le bureau et je me redresse, remplis mes poumons d'air et durcis malgré moi mon regard. Même si ses craintes sont légitimes.. et de quel droit devrais-je l'empêcher de me demander, si elle veut me l'entendre dire, lorsqu'on est celle que les autres exigent qu'on soit. Tu sais... je n'autorise pas l'usage de pouvoirs entre moi et mes patients, parce que nos relations aussi fragiles soient-elles, doivent être construites sur la confiance. Tu ne recevras jamais d'ordres de ma part, Rebekka.

« Imagine, le cri d'un soupir.
▬ Est-ce que c’est le bleu ? Ta couleur préférée ?
▬ Le pourpre, lui répondis-je un sourire sur le coin des lèvres. C'est le pourpre... Je lève une seconde les yeux au ciel. Même si je ne te commande pas, tu en viendras à parfois me subir. Tu auras tes émotions, les miennes, et parfois celles d'autres personnes. Parle-en à Markus... Il ne faudra pas rester seule, quand ça arrivera. Tu saurais me promettre, de faire attention à toi ? Même si tu n'es pas une petite chose fragile ?
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Message Ven 26 Juin - 22:28

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Elle cherche du réconfort, là, dans ce que Siham lui assure, éclatant de sincérité et tout aussi brillant d’égards en sa faveur – et elle a envie d’y croire. Un peu trop habituée à redouter le pire, à faire de sa paranoïa une arme et un rempart, la réalité de ce qu’elle accepte aujourd’hui est pourtant en train de s’insinuer dans la surface poreuse de sa façade. Elle pousse et se démène, serpente le long de chaque fissure, autour de chaque pilier ébranlé par un peu de trop. Trop de tristesse, trop de peurs, trop de tout. Mais cela n’empêche qu’elle a envie d’y croire. Alors, forte de cette foi un peu étrangère, peut-être même naïve, Rebekka s’autorise un léger hochement de la tête en même temps qu’elle accueille un brin d’air à l’intérieur de ses poumons. D’accord, concède une petite voix discrète dans sa tête, d’accord.
Deux syllabes qu’elle façonne pour se fabriquer un nouveau mantra, parce que dans la répétition semble se trouver une certaine quiétude, un certain réconfort. Une rengaine qui a vite fait d’étouffer les parties plus sombres de sa psyché ; la violence, la crainte, l’appréhension. Pourtant, ces diverses facettes composent leur propre litanie - et si ? Et si ? Deux refrains qui s’opposent fréquemment, et une dissonance qu’elle craint de projeter sur son ami en lui ouvrant son esprit. Et si le pire était à venir ? Elle se mord l’intérieur de la joue, considère un instant ses mots – tu ne recevras jamais d’ordres de ma part – et examine le bout élimé de ses chaussures. « D’accord, » finit-elle par énoncer à voix haute, comme une incantation qui saurait exorciser le pire. « D’accord. »

Seulement, la rengaine se conclut de façon plutôt abrupte, parce que le visage de Markus s’imprime quelque part à l’arrière de ses paupières et l’envahit tout entière, et c’est bien là que se trouve le fond du problème. L’unique élément capable de faire vaciller ses résolutions ou de faire balancer son cœur, un gouffre dont elle n’est pas certaine de vouloir admettre l’existence, encore moins la gravité. Alors, quelques secondes durant, elle hésite à se faire menteuse et contemple une possibilité bien malhonnête ; articuler une promesse qu’elle sait pertinemment être incapable de tenir. Pas quand il s’agit de lui, non. Pas quand même son esprit fracturé s’empresse de se rafistoler le temps de tirer une sonnette d’alarme, parce qu’il sait – ce chemin sur lequel elle s’engage est un point de non-retour. Plutôt deux fois qu’une, elle préfèrerait se voiler la face, mais à la place, elle tourne autour du pot. « Je crois qu’il lui faudra un certain temps pour… s’y faire, » reconnaît-elle en jouant avec l’alliance à son annulaire, expression et gestes empreints d’une nervosité à peine camouflée. « À vrai dire, ça fait quelques jours qu’il est parti. Une virée à moto, » qu’elle marmonne avant de soupirer. Elle esquisse un sourire qui n’atteint pas ses yeux. « Mais on avisera quand il sera de retour, comme on l’a toujours fait. » Et ils ont connu bien pire, n’est-ce pas ?
Convaincre Siham tout autant qu’elle cherche à se persuader qu’elle n’est pas en train de foncer droit dans le mur – parce que s’il s’agissait de l’impact de trop ? Et si, et si. La petite voix s’agite.

Rebekka se redresse en passant une main dans ses cheveux, soudainement trop à l’étroit. Elle lance un regard en biais à son ami. « Et puis, tu seras là, toi, » souffle-t-elle tout d’un coup, penaude, « pour t’assurer que je ne perde pas complètement la tête. » Son timbre se veut plus léger, et elle pose une main sur son épaule. « Mon choix est fait, mais ça ne veut pas dire que tu n’as pas le droit d’y réfléchir un peu aussi. » Penchant la tête sur le côté, elle l’examine un instant. « Prends un café avec moi la semaine prochaine. C’est ce que les amis font, tu sais ? » Plus facile de taquiner que de se laisser envahir par l’anxiété, elle hausse un sourcil. « Qui sait, ça te fera peut-être du bien de partager tout ce poids que tu t’obstines à prendre sur tes épaules, » conclut-elle sincèrement avant de laisser retomber son bras et de se diriger vers la porte. « Siham ? » Et elle se retourne un instant. « Merci. » Au fond, elle sait – le point de non-retour.
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Message Mar 14 Juil - 14:53



« Imagine : d'accord, d'accord, comme une chanson que l'on fredonne pour essayer d'en retenir les paroles. Une chanson dont les mots ne présentent pas de logique, et qu'on répète encore pour leur trouver un sens peut-être... Et pourtant, je voudrais qu'elle puisse déjà lire en moi pour être assurée de la sincérité de ma promesse. Je ne suis pas le père de Rebekka, je ne suis pas son maître et je ne suis pas la gardien de sa conscience. Je n'ai pas la folie de me croire moins faillible.

« Imagine : d'accord, d'accord, comme une chanson que l'on fredonne pour essayer d'en retenir les paroles. Comme le nouveau deuil : celui de la vie telle qu'elle la connaît désormais et j'ai soudain la sensation de lui proposer un sort simplement « moins pire », d'aller à la facilité. Et je n'ai pas la force de la laisser faire ses propres erreurs auprès du Divin, parce qu'elle n'est pas simplement ma patiente, parce que j'ai le droit en tant qu'ami de lui demander de ne pas le faire. La ligne blanche est là. Parce qu'en tant que sublimateur, je n'aurais aucun droit de plus. Celui de demander, pas celui d'exiger. Celui d'assister, pas celui de participer. Celui de suggérer, pas celui d'imposer. Je passe la langue sur le bord de ma lèvre inférieure, et me joins à cette chanson, comme un serment : D'accord.

▬ Mais on avisera quand il sera de retour, comme on l’a toujours fait.
▬ Si tu as besoin que je vienne ou... enfin, je reste à ta disposition. Si tu as besoin de moi.

« Imagine, toi, ce qu'il va ressentir. J'essaie de me le représenter, et je n'y arrive pas. Moi-même, j'aurais été terrorisé à l'idée de devenir sublime, à l'idée d'être encore le prisonnier d'un corps qui n'en fait qu'à son idée, soumis aux fantaisies d'un autre esprit que le mien. Je n'aurais pas pu le faire, et je ne sais pas comment j'aurais accueilli que mon Amour soit soumise à la volonté d'un autre. Je passe la main sur ma hanche, me débarrassant d'une tâche imaginaire, peut-être comme on chasserait une objection.

▬ Et puis, tu seras là, toi, pour t’assurer que je ne perde pas complètement la tête.

« Imagine mes doigts, ma main qui vient couvrir la sienne sur mon épaule, alors que j'aquiesce, précisant que j'ai de l'expérience dans les longs voyages un peu périlleux. Nous parviendrons à effectuer celui-ci, si Mimir le veut. J'accepte bien évidemment son invitation à prendre un café, dans les jours à venir. Ma main s'arrête dans son ouvrage superficiel et se joins à sa jumelle devant moi, m'apportant un peu plus de stabilité. Rien n'est définitif, c'est ce que je dis à Rebekka pour la rassurer. Sa condition ne le sera pas, et ce qui je peux accueillir comme poids ne l'est jamais non-plus. Mimir ne me laissera pas supporter plus que je ne peux supporter, ne me laissera pas prendre plus que ce que je peux prendre... Je lui souris alors qu'elle est sur le point de partir.

▬ Mimir t'apportera les réponses Rebekka. Aie confiance en lui, lui dis-je simplement avant de la laisser s'en aller. Si je ne le pensais pas, aucun de nous deux ne serait là. Il apporte toujours une réponse.
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