Transie de froid et de sobriété, Mahaut regarde les paysages défiler alors que le conducteur de son taxi lui raconte les mésaventures de sa fille qui travaille dans une famille de la caste du Divin. Il y a une certaine mesure dans sa voix, bien évidemment. Jamais une critique, jamais un mot de travers à l'égard des surnaturels qui ont l'air pourtant d'abuser de la jeune fille. Aussi, il ne s'attendait certainement pas à ce que l'enfant de la Beauté soupire un : "Ugh, what a bunch of cunts." À travers le rétroviseur, il lui adresse un regard prudent avant d'esquisser un léger sourire et d'acquiescer. Puis il reprend de plus belle mais elle, elle est déjà ailleurs. L'ennui guette dans chaque lumière de la ville. Ingvar et Solan ont prévu de travailler tard, la sortie du prochain numéro approchant à grande vitesse. Isolde, eh bien Isolde ne répondait à ses messages que lors des pleines lunes et quand le manque lui tordait le bas ventre. Quant à ses amis... La perspective d'une énième soirée dans sa caste ne lui arrache même pas un frisson d'excitation. Elle fait défiler les noms de son répertoire sans trouver la flamme.
Depuis le début de la semaine, elle était prise d'un sentiment de nostalgie dont elle n'arrivait pas à se défaire. Ses remèdes habituels n'avaient aucun effet, l'alcool, les corps, la LSD, que des pansements sur un sentiment de vide qui lui dévore les tripes petit à petit. Il lui avait fallu des jours pour réussir à mettre le doigt dans ce vide, pour lui dessiner des visages bienveillants et lui attribuer un parfum simple et réconfortant. D'une étreinte passionnée à l'autre, elle était parvenue à se connecter avec ses émotions enfouies et à déterrer petit à petit des images d'une stabilité qu'elle était sûre d'avoir rêvé. Mais il y avait bien ce canapé, ce foyer, Ingvar et Wighard et elle assis tous les trois à se moquer d'une série à la télé.

Ce n'est plus qu'un songe. Ingvar et Wighard son séparés et elle est comme une enfant divorce sur sa banquette arrière, à se demander lequel de ses deux pères appeler et comment organiser la soirée pour ne pas vexer celui qui est délaissé. Mahaut se fend d'un long soupir. Sukka est occupé et quant à son gardien, il a été très clair sur le fait que c'était sa soirée de libre. Il le répète encore quand les sonneries cessent et qu'il grogne qu'il ne viendra pas l'aider si c'est encore une de ses conneries et elle murmure juste qu'il lui manque, qu'elle aimerait passer la soirée avec lui à défaut de sous sa surveillance. Et il repousse, évite, soupire, nie et quand il raccroche, il pense peut-être avoir réussi à l'éloigner. Mais quand elle se penche vers l'avant, c'est pour apostropher le conducteur d'un : "Can you take me to the Deep Blue ?" Le conducteur lui retourne un regard interloqué. "The what ?" "You know, the bar where everything is so blue it gives you a new kind of headache ?" D'abord il ne comprend pas, jusqu'à ce qu'elle lui indique plus précisément un nom de rue et alors son visage s'éclaire et il hoche la tête.


À chaque fois qu'elle entre dans ce bar, elle est assaillie par ce camaïeu d'une couleur, qui habille les murs, les sièges, les verres et bientôt, toute sa tête lui tourne d'un tel vertige bleuté. Difficilement, elle se fraie un passage, évite les buveurs hésitants et leur catastrophe imminente sur son manteau Burberry. En dessous, sa robe blanche comme neige appelle aux pires scénarios. "Hello, sorry, excuse me, Valentino coming through..." Elle intime à la volée, jette des regards au milieu des tables à la recherche d'une barbe ou d'une chemise à fleurs. Sa quête s'arrête finalement au bar et elle se sent bête de ne pas y avoir pensé plus tôt. Bien sûr qu'il est un pilier de comptoir quand il n'y a aucune Beauté pour l'empêcher de s'aviner.

"Bear bear !" Elle lance, toute heureuse. Ses bras se referment autour de lui et elle pose affectueusement sa joue contre son dos, aspire profondément son odeur, à la recherche du sentiment de réconfort qu'elle avait en souvenir. Finalement elle le lâche, après lui avoir laissé quelques secondes pour se composer un visage pas trop contrarié. Mahaut lui sert son grand regard brillant, son expression de joie favorite et il y aurait presque de quoi s'attendrir. "Were you trying to avoid me ?" C'est presque rhétorique à ce stade. Et s'il n'est pas content de la voir, qu'il s'y fasse. Ce n'est qu'un enième caprice, comme il en diffuse toutes les semaines. "Oh hi Markus. It's been a while !"
Elle s'installe entre les deux hommes, ne leur laisse pas le choix, fait bien comprendre qu'elle a l'intention de rester. C'est Zak qui gère cet endroit, et de fait, c'est presque chez elle aussi. Elle se garde juste de venir trop souvent parce qu'elle ne veut pas incommoder Wighard en lui donnant l'impression qu'il doit travailler ou veiller sur elle même lors de ses moments livres.
"Zak, come say hi to your favorite girl." Yeux charmeurs, sourire innocent, elle hèle son ami d'enfance. Mais elle ne peut rien lui cacher, alors il n'y croit sûrement pas une seconde à son air gentillet. Il délaisse deux clients tout de même pour lui réserver son attention, prêt à entendre une autre de ses requêtes farfelues. "Hun, I'll have what these gentlemen are drinking. But stronger." Remarque qu'elle ponctue d'un clin d'oeil. Puis elle se tourne vers Markus, examine son air fatigué. L'âge ou l'alcool ? Elle se mord la langue pour éviter une question qui fâche potentiellement. Alors elle se contente de généralités : "So, how are things going ? Still busy with the uptight assholes ?"

CODAGE PAR AMATIS || @Markus Østerberg & @Wighard Wolden

Elle sent la crispation. Elle sent l’agacement qui pointe sous la peau du gardien malgré ses battements de cils angéliques. Il se fendra sûrement de reproches plus tard, et elle s’excusera d’une moue triste, pourtant elle ne sent aucun remord à venir casser la dynamique des alcooliques. Elle exige et elle obtient, ça a toujours été comme ça dans ses relations, au grand damne de ceux qui se sont attachés à elle. Il finira par se dérider après quelques verres. En attendant, il ne se prive pas de quelques piques que la surnaturelle accueille avec un sourire, pas prête à se démonter d’entrée de jeu. « Just yesterday I was snorting cocaine of a girl’s tits in the bathroom of the Black Line. I think I’ll be fine with a little homemade liquor. » Et elle ponctue sa dernière remarque d’un menton relevé. « Oh daddy, jealous much ? At least someone is taking care of my back. » Souvent, leurs conversations désinhibées mettent leur entourage mal à l’aise. Mais l’absence de tabou est un point central de leur relation et elle n’était pas non plus en prude compagnie ce soir.

Les remarques continuent de pleuvoir pourtant, surtout quand Zak refuse de l’étreindre et lui présente sa main comme s’ils étaient deux partenaires de travail et non pas deux amants qui s’étaient promis à peine quelques temps plus tôt de vivre une relation secrète passionnée. Au moins les apparences seraient maintenues. Sauf si on attrape le regard de la surnaturelle qui court le long de la carrure du barman avec une lueur appréciatrice. Elle décide de ne pas commenter se contente d’un air légèrement courroucé qui finit par être dominé par l’amusement de la situation. Elle s’installe plutôt devant le verre que Zak lui sert et qu’elle goûte du bout des lèvres avant d’en avaler une franche gorgée tout en soutenant son regard. C’était chargé, de quoi lui brûler la gorge alors que l’alcool fait son chemin : tout ce qu’elle aime.

« I wasn’t invited, as you can see by this grumpy man’s face, but I wouldn’t miss an occasion to have fun. » Elle répond du tac au tac à Markus, appréciant la taquinerie qui surplombe immédiatement la gêne de la voir s’incruster. « And what’s a good AA meeting without an obnoxious bitch, huh ? Elle attrape un morceau de pain croquant du bout des doigts et commence à le grignoter tout en tentant d’épargner des miettes à son manteau dont elle finit par se délester pour révéler la robe d'un blanc immaculé pour laquelle Markus exprime une fausse inquiétude. « Oh this ? I had a meeting with one of my PHD director. Plus I always wear nice dresses. You know, for the sake fashion and stuff. »
Avec nonchalance, elle hausse les épaules et laisse échapper un rire à la remarque du gardien à son collègue de la Beauté. « Hey, no need to nanny me all the time. This might come to you as quite a shock, but I’m actually a grown woman. And you know what? Drinks are on me, so go ahead and make my credit card bleed. » Elle n’est pas venue pour se faire sermonner par des adultes qui n’ont certainement pas leur vie plus en main qu’elle. Peut-être bien qu’elle se trainait une réputation à hérisser les poils de tous les croyants du divin, mais autour d’elle, ses proches n’étaient pas mieux fournis. Markus restait tout de même une figure énigmatique, et la curiosité lui titillait déjà l’arrière du crâne. De bout des ongles, elle aimerait gratter la couche de vernis jusqu’à ce qu’elle s’écaille et révèle le bois abîmé, les aspérités qu’ont laissé le deuil et le sentiment d’injustice. Pourtant, elle ne comptait pas non plus entrer dans le tas, elle avait tout de même une certaine sensibilité qui l’empêchait de poser des questions qui le plongerait dans la tourmente. « So, what are we drinking to? Or are we trying to forget something? »

CODAGE PAR AMATIS || @Markus Østerberg & @Wighard Wolden & @Zakaria Carlsen