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 Are you hearing voices again ? | Evjens.
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Wyn Evjen
Wyn Evjen
connaissance vénérée
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Arrivée : 17/03/2020
Missives : 1023
Pseudo : Elorin
Avatar : Charlie Hunnam
Crédits : chandelyer (av) & alcara (icon) & akira (gif)
Thèmes abordés : deuil, drogue, rapport au corps, santé mentale
Infos RP : pris / rp le week-end / 800-1000 mots, dialogues en fr/eng au choix
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Âge : 48
Occupation : Maître des runes, chercheur pour le centre de désintoxication, cours occasionnels et avancés à l'université, fouine professionnelle, fournit cercles de protection, divinations et talismans pour le Nouveau Monde et parfois ses services de façon illicte...
Statut : Célibataire | Divorcé d'un humain depuis février 2021
Famille : Connaissance | Mystère | Curiosité
Dons : Troisième oeil astral | Multiface | Ecureuil d'Albert
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Message Jeu 9 Avr - 15:54



Are you hearing voices again ?

@Henok Evjen | Début avril 2020

◊ ◊ ◊


Sa vision est blanche. La cécité aveuglante le rend fou, tambourine à ses tempes comme un monstre qui réclame son dû à la porte. De ses yeux crevés, il ne distingue plus rien qu'un tourment blanc et les ombres qui viennent souiller la neige. La neige est zébrée de failles mordorées qui creusent des sillons jusqu'au centre de la terre. Réseau de fils d'araignées qui s'étendent dans un paysage sans fin. Il y a quelqu'un. Il y a quelqu'un. Il y a quelque chose. Il veut remonter les crevasses jusqu'à leur épicentre, jusqu'à l'autel où saigne Aslaug mais il s'est perdu dans la toundra. Elles menacent de se teinter de sang, à chaque fois que son corps lourd manque de s'écrouler dnas la neige, dans la crevase. On les cherche et le sentiment d'urgence lui donne des ailes, gèle la sueur dans sa nuque.

Il n'avait même plus mal. Ou il avait trop mal. Tout ce qui lui restait une douleur diffuse et lancinante, atroce, qui brûle et gêle en même temps ses extremités. Les lames de fond brûlantes de la peur qui l'ensevelissent au milieu d'un océan de plaies à vif. Il sent la morsure glaciale de la neige qui gifle ses joues par rafales, ses longs cheveux transformés en éclats de givre.  Il sent l'entrave de la neige jusqu'à ses genoux, qui arrêtent les mouvements désordonnés de son corps qui se débat dans les draps.
Les nuits des derniers mois ont été scandées de cauchemars et de comas induits par les médicaments. Il ne rêve que d'un travail inachevé, d'une porte qui fuit à son approche. La différence étant que la porte est celle d'un temple protéiforme, la différence est qu'il clopine à la place de courir, perdu dans un labyrinthe de neige et d'erreurs mathématiques. Poursuivi et en quête. L'irrationnel le hante.

Il s'agite dans les draps et les couettes qui entravent son corps comme un carcan mortifère. Enfin, il repousse la couverture d'un geste sûr, délivrant ses jambes, il a la solution sur le bout de la langue.Son pied droit se repose sur les lattes de bois à la cire patinée par les insomnies. Les yeux clos et l'oeil ouvert, bardé de sang qui suinte sur sa poitrine, il lève le menton, à la recherche d'un fil d'Ariane. «- Mimir…  Sa voix sort de sa gorge, sans timbre, inaudible et pourtant compréhensible.  Encore endormi, mais le dos droit et le corps vif, il se relève, se tenant droit sur une jambe – mais lorsqu’il veut descendre la marche, son corps déséquilibré s’effondre en avant. Suspendu une demi-seconde, dans un équilibre précaire, cadavre de Schrödinger. «- Aslaug… Je vais y arriver, tout va bien… tout va tout va tout va…Juste encore un peu de travail et j'aurais la clef, je trouverais…  »  Il ne se sent pas tomber. Il ne se voit pas tomber, paupières hermétiquement closes. Elles ne se retrouvent pas sous le choc, alors que sa vision se fait vertige, lorsque cille un instant l'oeil de Mimir qui s'est ouvert sur sa poitrine. Le noir.

Le noir retourne, apaisant.
Il a le nez au ras du sol. La lune réverbérée par la neige, fine ligne blanche sous le rideau sombre, l'éblouit.
Le retour à la conscience est un retour en enfance. Il tombait des arbres comme une pomme sur Newton, comme il s'écroule au sol. Paumes en avant. La douleur massacre son menton, son genou éraflé. A l'exception faite que son corps n'a plus la souplesse de la jeunesse. A l'exception faite que son corps a la résistance du divin. Il n'est pas encore conscient de l'incomplétude de son corps et de son esprit. Découpés, scindés en deux. Il en a égaré la moitié, de sa jambe, et de son âme.
La terreur et la course-poursuite s'estompent. Il avale une goulée d'air, surpris de la chaleur de la chambre chauffée. Sous ses paumes, le bois a une étonnante chaleur, une étonnante solidité. Il a fait un cauchemar. Le lit semble une montagne au-dessus de lui, d'où tombe une cascade de couvertures qu'il a entraîné dans sa chute. Les meubles sont hauts comme des falaises noirs dans la pénombre.

Un instant le temps est suspendu et il est autorisé à reprendre ses esprits, en caleçon sur le plancher de leurs chambre, une cicatrice fraîche en forme d'oeil en haut de son pectoral comme un blason indigne. Autorisé à penser au corps d'Henok endormi dans leur pénombre, à rêver de sa chaleur, solide, familière, tiède comme le soleil. Au besoin de se recroqueviller autour de lui et d'oublier le reste. A penser à respirer en silence, à genoux au sol, de ne pas essayer de se relever. Penser à écarter ses cheveux de son visage d'une main tremblante. Autorisé à oublier son cauchemar et la réalité, en même temps. Puis du geste qu'il fait pour se relever, ou la façon dont son esprit appelle Aslaug, cherche son esprit comme on cherche un corps dans un lit conjugual, il heurte le vide.  La vision du vide incohérent sous sa cuisse, là où devrait se trouvait son autre pied le révulse et lui donne envie de vomir. Ce n'est pas normal. Wyn inspire profondément, la tête penchée en avant, luttant contre l’envie de se recroqueviller sur lui-même pour combattre la nausée. Le corps chavire sur sa gauche, déséquilibré. L’instant suivant la paique oppresse sa poitrine. La douleur l'avale comme une lame de fond, tout se fait noir. Il s'est ramassé sur son moignon, transpercé de douleur malgré les soins de la Nature. Aslaug appelle mentalement Wyn. Son esprit, sa douleur, son émotion à vif avait déjà dû l'éveiller. Aslaug..  La douleur reflue, la crispation de ses muscles et de tout son corps aussi, mais avec une lenteur proche de l’agonie. Un cri sans son s’échappa de ses lèvres, et plié en deux de douleur Wyn agonisait plié sur son lit, le front contre sa cuisse. Sa gorge sèche comme du papier de verre laisse échapper le prénom à nouveau, réalisant la falaise au bord de laquelle traîne son esprit épars.

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Message Ven 10 Avr - 17:54

are you hearing voices again ?

Ce ne sont d’abord que de simples caresses, le drap qui glisse, agité par le sommeil dérangé de Wyn. Puis la couette semble se tasser contre lui, chat lové autour de sa peau, par un simple geste de rejet de son compagnon. Les prémices du réveil, signes avant-coureurs de la chute à venir. Tout s’enchaine, harcèle sa conscience, le pousse à l’éveil. On les lui arrache, ses couvertures, la fraicheur de l’air remplace la chaleur réconfortante du cocon des draps, des frissons courent sur sa peau. Le bruit sourd du choc d’un corps contre le sol tire un peu plus sur son esprit, lui intime de se lever, de ne pas rester ainsi. Il aurait tout aussi bien pu se rendormir. Une fois la nuisance sonore passée, une fois la couette ramenée à lui. Prendre de l’espace, profiter du lit pour lui seul. Enfouir la tête dans son coussin, relâcher ses muscles, oublier, n’y voir qu’un rêve – ou un cauchemar. Céder au sommeil, à la fatigue qui lui martèle le crâne.

Mais il n’a pas été ainsi fait, Henok. Son premier réflexe est de se jeter sur l’interrupteur plutôt que s’emparer de la couverture pour la rabattre sur lui. La lumière éclate, peint les murs d’une douce lueur dorée, chasse les ombres qui courent sur les murs. Il détruit les premiers ennemis des cauchemars d’un simple geste, souffle les silhouettes menaçantes, détruit les immenses falaises, saccage les restes d’un paysage traumatisant. La chambre dans toute sa franchise. Les ampoules ne laissent aucun angle mort. Plus rien ne se cache sous le lit, derrière les meubles, sous les draps. Les menaces se sont évanouies avec les ténèbres, ont claqué la porte, se sont glissées sous les lames du plancher. Loin. Le plus loin possible.

Il y a plus de grâce dans sa sortie du lit que dans celle de Wyn. Il ne tombe pas, ne s’éclate pas la face contre le sol, se contente de se mettre sur ses deux pieds – deux pieds que son mari n’a plus. Aussitôt, sans perdre un temps de réflexion, il est à son chevet, enroule un bras autour de son corps, l’amène à lui, dos contre son torse, dans la chaleur de son être. Il le laisse respirer, ne lui permet se pas se recroqueviller, dégage ses poumons par sa simple position. « Chuuuut… je suis là. » Ce n’est qu’un murmure contre son oreille, aussi doux que la main passé dans ses cheveux trempés de sueur. Le prénom d’Aslaug glisse jusqu’à lui et il s’imagine sans mal que tout son être appelle la disparue, que son âme crie en son intérieur, des choses que nul ne saurait entendre, sinon sa sublime. Et elle n’est plus. Il doit hurler dans le vide, dans la tempête de ses souvenirs, giflé par les vents magistraux. Il imagine ce chaos, Henok, sans pouvoir vraiment se le représenter. Inconnu à cette affaire, à l’esprit agité de Wyn, il se contente d’observer, d’essayer de comprendre. Parfait étranger sur ces terres inconnues.

Il n’est pas grand-chose, qu’un tout petit grain de sable balayé par le vent. Un petit rien, qu’on écrase d’un talon insouciant. Ce n’est pas lui qu’on a appelé. Il aurait tout aussi bien pu se rendormir finalement. L’appel n’était destiné qu’à Aslaug. Mais elle n’est pas là – plus là. Alors il s’est levé, a quitté la tiédeur salutaire de son lit, a répondu à son devoir plus qu’à une demande. On ne lui a rien demandé, à lui. Et pourtant, c’est bien Henok qui le tient dans ses bras, lui souffle des paroles de réconfort. On ne l’a pas appelé, on coure après un fantôme, on oublie l’ombre du mari qui se dessine dans la maison. Mais il est bien là, à offrir sa présence à Wyn, la chaleur de sa peau, la force de ses bras protecteurs. Adossé contre le lit, par terre, à enlacer son époux, au milieu de la blancheur éclatante de la soudaine lumière. Il n’y a aucun bruit, si ce n’est celui de leur respiration. « Ça ne sert à rien, Wyn. Ça ne sert à rien d’appeler Aslaug. » Il tremble entre ses bras, répercute les échos dans ses propres os. « Elle n’est plus là. » Mais moi, je suis là.

Wyn Evjen
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Message Jeu 18 Juin - 17:41



Are you hearing voices again ?

@Henok Evjen | Début avril 2020

◊ ◊ ◊


Son esprit ricoche dans le vide. Il s'élance hors de la falaise et ne trouve aucune accroche de l'autre côté, rien pour ralentir sa chute, le vertige l'étreint. Aucun esprit pour faire garde-fou. Aucun esprit pour répondre au sien, dialogue mental permanent. La lumière dissipe la chute avec brutalité. La réalité brûle ses pupilles et Wyn referme les yeux, referme son corps qui se crispe en boule pour résister. Sur sa poitrine, son oeil astral se referme agacé par réalité. L'homme inspire, expire, lentement, conscient de la panique qui lui brûle la poitrine. Il lui semble inspirer toujours l'air glacé des montagnes. Il cille ébloui, et la chambre s'oblitère un instant dans la lumière. Puis, lorsque sa vision s'accoutume, les meubles familiers reviennent avec toute leur opacité. La table de nuit chargée de livres. Les vêtements d'Henok posés sur la chaise, en ordre. Le tapis placé sous le lit pour accueillir leurs pieds.

Et en même temps que la lampe chasse les ténèbres, elle chasse les fantômes. Aslaug lui semblait tangible, sa forme tordue au sol et ses yeux terrifiés, Méduse innocente coincée au sol par un monstre à la silhouette d'homme. Un instant, sa présence submergé les sens de Wyn, son esprit accolé au sien, sa peur, sa souffrance devenues la sienne. Préférable au silence e à la nuit. Puis, le surnaturel est à nouveau seul. Malgré ses muscles crispés, Wyn ne résiste pas à l'étreinte de son époux, se laissant aller, dodelinant entre les bras d'Henok. La chaleur de ses bras disperse les souvenirs de neige. Tu t'accroches à son bras, tes doigts se resserrant autour de son avant-bras comme effaré à l'idée de le laisser s'échapper, te quitter. Il est réel sous tes doigts, sa peau encore chaude du lit. Son corps se love contre Henok dans la pénombre, se laissant envelopper de son corps.

La machine s'enraye, les rouages de la panique se bloquent alors qu'un grain de sable tient à deux mains les pans éventrés de sa psyché. Un grain de sable qui enraye sa chute dans la crevasse et le retient contre sa poitrine. Juste un grain de sable contre la folie. Et pourtant le grain de sable prend de l'épaisseur, grandit, prend un corps d'homme et un coeur grand comme le vide qui souffle à tes pieds. Henok n'a sans doute pas conscience de l'exploit qu'il commet à te tenir entre ses bras, entre ses cuisses, appuyé contre sa poitrine. Il te ramène à lui alors que le sang qui coule de ton pectoral, de la cicatrice fraîche de ton oeil se répand jusqu'à son bras.

Il est là. Pourquoi est-ce que cela signifierait qu'elle n'est plus là ? Pourquoi est-ce que ce serait soit l'un, soit l'autre ? «  - Elle était là. » Tu as peur de l'oublier. Voir les stigmates que votre lien a laissé dans ta vision, ces flux incolores et pourtant lumineux qui tapissent la maison et qui s'effacent, laissant derrière leurs rémanescences comme autant de fantômes à décoder. Tu as peur de l'oublier et de t'entendre penser. Tu ne sais pas comment fonctionner, l'esprit vide. «- Pour moi. »   Tu murmures, presque revanchard, possessif. Tu es bien le seul à percevoir encore les traces de sa présence, de votre lien dans la maison familière. Hantée de fantômes jusqu'à la gorge. Tu lui avais montré le monde et l'avait paradée au monde à ton bras. Et elle ne vivait plus que dans ta tête, elle y a posé ses valises. «- Elle s'efface. » Que tu confesses pour ta barbe. Tu glisses dans les bras de ton époux, lentement, retenu par ses bras comme par un fil. Ta joue se pose contre son épaule aussi légère que ton coeur est lourd. Tu n'as pas l'habitude de laisser voir au-delà des complets impeccables et de l'esprit brillant. Envers tes sublimes, oui, ton mari non. Tu bégayes entre ses bras, tu remontes à la surface. Son odeur, son contact contre ta joue te gardent à la surface. Ses doigts se posent, gelés, contre la peau de son amour, posés sur son bras comme pour s'assurer de sa réalité. La nuque délicatement ployée contre lui, ton regard se perd vers la pile de livres encore posés sur ta table de nuit, ta barbe de trois jours frottant doucement contre sa peau. Tu… te sens bien. En sécurité. Les monstres des nuits et des neiges brièvement écartés.

Son esprit s'étend à la recherche de l'homme contre lui, cherche à communiquer mentalement avec lui. Cherchant le réconfort d'une autre âme liée à la sienne, à briser les murs de silence et de solitude qui l'oppressent. Cherchant à communier avec lui, tandis que ses jambes s'étendent sur le parquet, décrispant les muscles brutalisés. Il se sentait bien. Wyn met un moment à comprendre le silence qui l'entoure, qu'il ne parvient pas à toucher son époux, à communier avec lui. Trompé par l'impression de paix. Il doit utiliser les mots.   «- Je n'ai pas l'habitude d'être seul dans ma tête. Cela empire tout, Mellila.  » Le surnom affectueux, latin, est murmuré en douceur, comme le souffle d'un amant qui manque de se rendormir sur l'oreiller. Wyn frotte gentiment son bras, le visage las, pâle et inerte comme un marbre veiné de gris.. Henok n'avait pas signé pour ça. Il n'avait pas signé pour ça. Et un mariage est un faible noeud par rapport aux serments des sublimes.

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Message Sam 20 Juin - 19:04

are you hearing voices again ?

Ses doigts sur sa peau, ses doigts qui s’accrochent à son bras, ses doigts qui laissent des traces chaleureuses sur son épiderme. Il est là, bien tangible, près de lui, ne s’est pas dissout dans ses cauchemars. Entre ses bras, bercé contre sa poitrine, il s’affaisse, lâche prise. Personne ne cherche à résister à ce contact, et ils s’échouent tous deux au pied du lit, l’un contre l’autre, lovés dans leur chaleur réconfortante. Il en oublie la panique étouffante, les ombres grimpantes, le sang qui coure jusqu’à son bras. Il n’y a plus que Wyn qu’il tient là, contre lui. Sa respiration bute contre le dos de son mari, sa poitrine se soulève et berce l’homme d’un rythme mesuré, l’incite au calme, alors que son souffle toujours saccadé percute le silence de la chambre. Il aurait aimé lui transmettre sa placidité, l’immobilisme de son propre corps. Peut-être que s’il avait été Aslaug, s’il avait été sublime, il aurait pu envahir sa conscience, temporiser ses ardeurs, les peurs irrationnelles qui viennent lécher les plaies de son cerveau. Mais il n’est qu’humain, il n’est que mari. Il ne peut que le serrer contre lui, l’accueillir dans la chaleur de ses bras en espérant que cela suffise. Piégé dans le plan le plus primaire de la réalité, là où les ombres s’enchevêtrent, là où il est trop facile de ne pas se comprendre, de se tromper sur la véritable saveur du monde. Ramené à sa qualité de mortel, de petite souris qui ne saura jamais grand-chose, n’aura jamais une grande portée, se contentera toujours de faire ce qu’il peut, il tente, tant bien que mal, de comprendre, d’apprendre, à force de le côtoyer et de l’entendre, comme si cela allait un jour lui permettre d’enfin lui accorder l’aide qu’il nécessite.

Mais le spectre d’Aslaug rode, lui rappelle à quel point il n’est rien, si peu, pas assez. Elle prend une ampleur qu’il n’aurait pas imaginé, faible mortel qui ne connait les dieux que de noms, peine encore à entrevoir le lien qui pourrait unir ainsi deux êtres. Il tâtonne, écoute et apprend, silencieux, pour un jour appréhender comme il se doit cette culture aux dimensions mystiques. « C’est normal, Wyn. » Du moins, c’est ce qu’il pense, ce qu’il imagine. Bien en mal de savoir ce qui est vraiment normal, en ce monde, il se contente de supposer. Mais il faut bien qu’un jour les morts s’effacent et se délitent, qu’ils ne restent pas aussi tangibles que de leur vivant. Qu’importe ce qui les attend, quel dieu prient-ils, quel juré pensent-ils connaitre, aux yeux de ceux qui restent coincés de l’autre côté de la barrière, ils n’ont plus aucune réalité, finissent bien par disparaitre pour laisser leur place à d’autre. « Elle est morte. » Il appuie là où ça fait mal, plante les doigts dans la plaie. Enonce une simple vérité. Elle est morte, Wyn. Rien ne sert de courir après un mirage. Mais peut-être que comme n’importe quel demi-dieu qui se respecte, il a encore du mal à appréhender ses propres faiblesses, à accepter un échec aussi retentissant. Elle est morte, et il est seul désormais. « Elle n’était là que dans tes cauchemars, dans ton imagination. Mais pas dans la réalité. Tu comprends ? » Il tente désespérément de ramener un peu de rationalité dans cette conversation, d’amener Wyn à comprendre, à se raisonner. A effacer les spectres qui se dressent entre eux, des spectres contre lesquels Henok ne peut rien faire, si ce n’est battre des bras dans le vent, avec le vide comme seul ennemi.

Il aurait envie de recouvrir la plaie qui s’est creusé sur sa poitrine, cacher les stigmates de ses cauchemars, de cette vision intrusive. Qui lui rappelle chaque jour un peu le pouvoir qui est sien, tout ce qu’il sait et peut savoir, et ce que lui ne sait pas et ne saura jamais. Mais le savoir est terriblement dangereux, lorsque l’on s’y perd, lorsque l’on perd contact avec la réalité, lorsque l’on s’enferme dans la recherche d’un autre, d’une autre. Mais les confessions, avouées du bout des lèvres, lui soufflent la douleur de la compréhension. Il peut bien s’imaginer le vide qui fracture l’âme de Wyn, mais sans pour autant le ressentir. Alors qu’il ne demande que ça, comprendre, une fois dans sa vie, ne pas encore être laissé pour compte. « Pourquoi ça ? » Explique-moi. C’est son travail, d’expliquer, d’apprendre, de faire entrer dans la tête d’autres personnes ce qu’il connait. Il devrait savoir faire ça, à force. Mais plutôt que d’attendre que les langues se délient, il questionne, tente de le mener sur une piste, quand bien même ce serait se tromper. « Tu te sens seul ? » Aussitôt dit, il s’en mord la langue, craint déjà la réponse. N’est-il donc pas assez ? Qu’a-t-il foiré, pour ne pas suffire à Wyn ? Pour ne pas être capable de l’épauler, de lui faire sentir la force de sa présence ? « Tu peux le dire, tu sais. » Il se tient là, prêt à encaisser. Ses doigts dessinent des cercles machinalement sur la poitrine du surnaturel – qu’il a d’abord appris à aimer en tant qu’homme plutôt que de craindre le pouvoir que les dieux nordiques lui ont accordé – évitent sciemment la plaie béante, pour ne pas plonger ses doigts dans le sang, en ressortir rougis des crimes que les cauchemars font miroiter.

Wyn Evjen
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Message Dim 12 Juil - 22:59



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@Henok Evjen | Début avril 2020

◊ ◊ ◊


Est-ce que c’est cela, aimer ? Être soutenu, ne pas être seul dans le noir, sentir le battement d’un cœur contre son dos, apaiser le sien ? Question piège : un autre homme dort encore, dans une autre pièce, indifférent à la tombe qui confine les deux époux dans un même linceul en guise de ciel de lit. Question piège : le surnaturel observe les fatras amoureux avec l’œil d’un scientifique face aux développements cellulaires d’une bactérie décidée à devenir sentiente. Est-ce que c’était cela d’être marié ? Leur mariage, leurs doigts enlacés, sertis du même anneau. Wyn n’attendait certes pas tant de sa proposition fringuante, l’assurance qu’il n’éprouvait plus, les boyaux tordus par la mort. A bien y réfléchir, il ignorait ce qu’il en attendait, si ce n’était l’inspiration du moment : il avait plongé ses regards dans les yeux d’Henok et solennellement décidé de joindre sa vie à la sienne, pour toujours. Le dévorant d’un regard curieux, gourmand. Les discussions effervescentes, un corps contre lequel poser sa joue au réveil, un humain à qui partager les beautés de son monde, une main chaude à tenir quand il neige dans les bois, un humain à protéger et à chérir jusqu’à ce que la mort vous sépare, tenir à l’écart les fantômes qui lui collaient aux basques, cacher les nuits de travail, les lits désertés pour l’amour de la science, les écarts de son caractère qui malmènent son entourage. Il s’y attendait. Il espérait la domesticité complice. Il avait trouvé autre chose alors qu’Henok découvrait un homme différent que le génie un peu fou qu’il présentait au monde. Ce qui est sûr c’est que l’homme dont Henok est tombé amoureux ne ressemble en rien à la loque laissant larme et sang sur le plancher. L’intelligence et le charme ont été gobés par les monstres sous le lit, le corps arraché par les dents pointues, lacéré jusqu’au cœur.  

Après la petite mort, « la petite sublimation. »  Toucher du doigt l’union.  Wyn vacille en haut de la falaise, bien conscient qu’il y a une autre crevasse au fond de la première. La civilité avec laquelle il vit avec Yildun ne trompe pas son palpitant. Elle n’a pas toujours été si douce. Il y avait un temps où la perte de son sublime avait rompu son esprit. Il y avait un temps où il avait du encaisser la perte seul, sans garde-fou, sans époux. « -Yildun aussi. » Le rire âcre soulève sa poitrine, entraîne la larme de sang jusqu’à son ventre, unique. Yildun était mort. Jonas est mort. Rùna est morte. Aslaug. Pourquoi est-ce que Aslaug revient comme un ressac, frappé à la porte de sa mémoire ? Yildun était mort, cela lui avait passé, une fois le cœur de Wyn emporté dans la bataille contre la faucheuse.   La mort est un concept tout relatif. Il ne t’effraye pas tant que le silence qu’il y a derrière et les échos qui s’affaiblissent. Le rite est lui-même une sorte de mort temporaire, d’un point de vue biologique. Parfois terminal. L’idée est absurde, dérangeante, elle creuse son chemin comme une souris dans son esprit ravagé – que Aslaug ne soit pas réel, que la signature de la rune qui la liait à lui, d’âme à âme, ne soit que le fruit de son imagination. « - Nos dons sont réels. » Son souffle exhale une étrange buée dans la chaleur de la chambre, lassitude de marteler la réalité scientifique. Il renverse sa tête contre son épaule – son masque est tombé dans les effrois de la nuit et ce sont des cheveux blancs comme neige qui s’éparpillent sur son épaule, comme pour disposer le fou et la tour sur l’échiquier de leurs corps. Il leur redonnera leur couleur dorée, à peine grisée par l’âge, plus tard.

Pourquoi. Le mot familier comme un deuxième prénom fait avaler sa salive à Wyn, sa glotte remue sous la barbe cannelle et sel. Ce n’est pas tant – pourquoi c’est dur, mais plutôt l’absence totale de raison du contraire. C’est un abîme.  « Oui. »  Qu’il répond en même temps qu’il te l’autorise, un peu trop vite, un peu trop franc. Au-delà du cocoon des bras d’Henok règle la solitude, le froid et la neige.   « - Moins maintenant. » Il n’a pas idée du réconfort à dormir contre son époux. A ne pas sentir la morsure du froid contre ses pieds, ramenant sa psyché aux cauchemars. Son cœur saigne, béant. Wyn humecte sa bouche, sèche comme du carton avant de se redresser à tâtons pour lui faire face.

Son corps tangue quand il essaie de se mettre à genou – l’absence d’un mollet peut avoir ce genre de conséquences. Il se raccorche à l’épaule d’Henok, posant sa main dans son cou, le bras tendu à son ancre. Réel. Comme le tatouage qui obscurcit sa peau, contre celle d’Henok, presque contre le vide derrière l’oreille du mortel. Le même regard, gourmand, dévorant, lumineux, joueur. Comme si le monde était à lui. « - Je t’aime, mon époux, n’en doute pas. Un instant, son regard se fait plus éteint, plus humide, affamé de regrets. Il aurait voulu que ça soit réel. Il aurait voulu le comprendre, intimement ; ne pas être peau à peau, deux être à jamais désunis. Il aurait voulu comprendre et aimer Henok, voir son âme nue. Wyn secoue un peu la tête, la voix basse comme un murmure, comme s’il craignait de réveiller la maisonnée. Pourtant son murmure ne peut pas faire ce que son cri n’a pas déjà fait. « - Mais cela n’a rien à voir avec la sublimation, rien n’est comparable.  Il n’y a rien de plus beau, de plus parfait que l’union de deux âmes par des runes, par le langage, par la formule la plus pure.  Et c’est sans doute la chose la plus mystérieuse et incommunicable qui soit. »  La lumière se rallume dans son regard, un peu trop. Il s’anime lorsqu’il parle de ses recherches, l’esprit brillant revient animer sa carcasse, captiver son auditoire. Aslaug me manque. Bien sûr. Elle était une part importante de ma vie. Mais, je n’ai pas perdu que ma collègue et ma jambe. J’ai aussi perdu un de mes sens.  C’était son septième sens – sa seconde vue étant le sixième. Mais comment expliquer la vue à un aveugle ?

« - Je suis seul, dans mon esprit.  Comme toi. » Comment expliquer qu’il ne supportait plus ce qui était le lot de l’humanité ? Comment est-ce qu’il pouvait dire à quel point il éprouvait de la compassion, une compassion sincère et sans borne, pour les humains bloqués dans le carcan de leur esprit ?   « - C’est un peu comme si tu étais aveugle, ou sourd ? On peut te tenir compagnie, bien sûr, tu peux être heureux. Mais tu seras toujours un peu plus seul que, seul différemment que lorsque tu étais capable de voir le visage de ceux qui t’entourait, entendre leur voix.   C’est comme perdre un membre, ou un sens. Et j’ai perdu un membre, et c’est… » Débilitant. Humiliant. Il déteste les formes de son corps dans la pénombre, lui, le sans-visage, qui ne s’était jamais occupé de son aspect plus longtemps que pour l’aura qu’il présentait au monde.  Il a le goût du sang en bouche, s’étant mordu la joue pour contenir la suite, qu’il éructe presque avec dégoût : « - C’est pire que perdre un membre. »  Il y avait dans son crâne, des vastes plaines où on avait appliqué la technique de la terre brûlée.  

Un maigre sourire en coin rappelle la fatigue flagrante de son visage. Wyn n’avait pas conscience d’avoir baissé les yeux, alors que pourtant il relève le regard vers Henok. Malgré la malice de son sourire, il y a une crainte dans son regard, une retennue dans son corps qu’il redresse comme pour faire illusion.  « - Je sais que tu n’as pas signé pour un pauvre fou, et je suis navré. Mais ne me dis pas que tu es jaloux d’Aslaug. » L’idée est étrange, mais Wyn tâtonne leur relation, s’émerveille autant de leur naturel que des crevasses, et dans la brutale lumière de la chambre, il contemple Henok avec un sorte de surprise mêlée d’incompréhension comme si la curiosité l’extirpait de la sueur qui refroidit dans son dos.

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Message Jeu 16 Juil - 17:32

are you hearing voices again ?

Il ne s’y laisse pas tromper, Henok, commence à bien connaître la bête, à trop bien la connaitre. Placide, il ne s’atermoie pas, attend que le couperet ne tombe. Une promesse, un aveu. Quelques paroles doucereuses pour noyer le poisson. Un mensonge, et il le sait très bien. Pour mieux enfoncer le couteau dans la plaie, le frapper lorsque l’espoir se meut. Tout raser, sur les ruines d’une envie dérangeante. Lui rappeler sa condition et le peu d’importance qu’il aura toujours. Qu’un humain parmi tant d’autre, alors qu’Aslaug a été tellement plus, comme Yildun et Rùna avant elle. Le mensonge de son amour lui permet de mieux saisir la franchise dont il fait preuve par la suite, mieux apprécier ce qu’il accepte de lui dévoiler. Parce qu’il n’est plus que bon à ça. Attendre et écouter ce qu’on veut bien lui confier, à lui. Puisqu’il ne partage la conscience de personne. « Je sais. » Il en a assez entendu parler, s’est laissé bercé les oreilles par les trop nombreuses histoires de Wyn. Et ça a beau faire mal, chaque fois, de se sentir un peu plus loin de lui, poids inutile, il ne peut rien y faire de plus. Il n’a que lui à apporter, rien d’autre. Sa petite personne noyée dans la masse, sans que rien d’autre ne puisse le raccrocher à son mari, pas même un bout de son cerveau. Il n’a que son étreinte à lui offrir, l’abri de ses bras, la chaleur de sa peau contre la sienne pour chasser ses songes saisissants.  « Je sais que c’est douloureux, que c’est difficile. » Les explications de Wyn lui parlent. Il a côtoyé la maladie et le handicap, se représente bien ce que vit ainsi son mari, quand bien même cela n’a jamais été son cas à lui. Il n’est capable que de ça, savoir sans réellement comprendre. « Et que je ne peux rien faire. » Et c’est bien ça le plus terrible. Voué à observer sa déchéance de loin. Parce qu’il aura beau tenir Wyn contre lui, il sera loin. C’est son époux lui-même qui le tient en distance, incapable de se lier à quelqu’un sans avoir à partager ce lien saisissant de la sublimation.

C’est étrange, de contempler cet homme devant lui, si étrange, de part son apparence originelle, caché sous les pouvoirs divins qui lui ont été accordé. A trop s’habituer à la grisaille de sa barbe, on en oublie que ses cheveux ont la blancheur de la neige, que ses yeux sont bien plus clairs que le bleu qu’il arbore. Il en est presque terrifiant, lavé de tous ses affronts, déshumanisé par l’immaculé de son apparence. Qu’il n’arbore encore à demi, ceint de sa chevelure délavée. « J’aimerais pouvoir t’aider. » Et rien n’est plus vrai, dans ces confessions faites au creux de leur chambre, dans l’abri de cette maison dressée dans les bois. Il n’a jamais rien désiré tant qu’aider celui à qui il a décidé de lier sa vie. Répugne à se voir sans cesse repoussé, mis de côté. Pour mieux le voir s’écrouler dans un coin, là où il ne pourra plus le rattraper, malgré tous ses efforts. Qui seront toujours vains. Il a beau s’escrimer, l’un ou l’autre aura toujours un train de retard, branché sur des fréquences différentes. Et ce soir, c’est lui qui marche sur la tête, à ainsi croire qu’il ne pourrait être jaloux. « Comment ne pourrais-je pas l’être, Wyn ? » Il n’est pas dans ses habitudes de cracher, de laisser la rage le consumer. Calme et solide dans ses appuis, il se contente souvent d’attendre que l’orage ne passe, comme si les choses allaient s’arranger d’elles-mêmes. Il n’est bon qu’à réparer les corps, lui semble-t-il parfois. Souffre en silence, englué dans un mutisme qui prétend apaiser ses pires maux. Alors que rien n’est vrai. « Regarde-toi. Regarde-la. Ce que vous avez été. » Il y a assisté. Les a vu, sans savoir ce qu’il se cachait dans leurs esprits respectifs. Condamnés à imaginer et envier, se voir dérober son mari par d’autres qui ont un jour partagé son esprit. « Tu l’as dit toi-même. Le mariage n’est rien, comparé à la sublimation. » Il a peut-être des mots trop durs, mais c’est bien cette amertume qui le gagne en y pensant. Sûrement que Wyn ne l’a jamais formulé aussi crûment, trouvant le moyen de se déculpabiliser en murmurant des mots doux à l’homme qui porte son nom. Mais Henok ne se laisse pas berner par de pareilles futilités, sait bien la vérité. « Et je suis censée trouver ma place où ? Comment ? » Dans une maison qui n’est pas la sienne, celle de l’ex-compagnon de son mari. Voué à composer avec tous ceux qui ont partagé l’esprit de Wyn, sans jamais pouvoir comprendre ce sentiment de lui-même. Le surnaturel a beau déclamer l’aimer, ce ne serait pas suffisant, même si c’était vrai. « Je sais que ce n’est pas ta faute, que tu fais ce que tu peux. Ce n’est pas un reproche. » Il n’a jamais été capable de vraiment en formuler. Et n’est pas du genre à blâmer les autres, plutôt à se fustiger lui-même, dans la solitude de son propre esprit. Solitude qu’il a toujours connue, incapable d’imaginer vraiment partager cet espace, comme un énième bafouement. Et pourtant, il y a bien des hommes qui s’y font, qui en dépendent.

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Message Sam 29 Aoû - 22:08

Are you hearing voices again ?
Aucun doctorat en biologie ne prépare jamais à décrypter ce qui se passe de l'autre côté d'un cortex frontal. Seul le sacrifice de sa propre intimité, de sa propre âme permet la connaissance de l'autre, de joindre les âmes comme d'autres joignent des corps avec bestialité. Il n'a aucune idée de ce qui se déroule dans cette caboche là. Elle lui est imperméable aussi distante qu'un fantôme. Il y a bien la compagnie famillière, la domesticité que l'ancien trouble-fête a chérit presque avec surprise. Il y a la familiarité des gestes, des petits déjeuners partagés, des va-et-vients comme des ballerines sur le lac gelé d'une boîte à musique, les mains qui effleurent le dos en passant, la fierté de passer son bras autour de sa taille et le présenter, les lentes danses quand le monde tenait encore debout et Wyn avec. Il n'a aucune idée de ce qui passe dans la caboche de l'homme qu'il a épousé. Il n'a aucune idée du dialogue de sourd qui s'immisce entre les époux, tout pris dans sa sincérité et ses cicatrices, la peau brûlante d'un élan qui se heurte aux os de son crâne. L'inhumanité blanche de son visage transfigurée encore par la sincérité, la lumière intense venue des neiges de ses cauchemars, qui se consume de se fondre dans Henok. Son esprit se tend et se tort dans un effort inutile pour éprouver ce qu'il éprouve, ses sourcils se froncent à essayer de le comprendre.

Il entend : je sais. Il entends les échos qui semblent résonner dans cette chambre soudain trop grande. Il entend : je sais. Il entend la frustration d'une convalescence trop longue, d'un époux absent, devenu un patient comme un autre, la laideur  de l'infirmité et le foutu linceul que Wyn a drapé autour de leur maison. Il entend : je sais, tu me l'as déjà dit mille fois. Pour autant que Wyn sache, ça pourrait bien être le cas. Il entend pour un instant les échos de son propre esprit ravagé, comme si Henok pouvait penser les mêmes choses que lui, comme si Henok n'était pas Henok.
Puis, il cille, se frottant le visage du talon de la main.
Le masque de cire mal collé sur les traits de Henok fond comme neige au soleil.

Voie de conséquence, le sol se dérobe sous ses pieds lorsque Henok reprend la parole. Wyn a apprécié décortiquer chaque facette de l'homme qu'il a appris à apprécier, colloque par colloque, rencontre seulement à demi hasardeuse l'une après l'autre. Apprécié être surpris par son âmé, apprécié la résilience et la douceur qui, l'a appris depuis longtemps l'atttire comme un papillon de nuit particulièrement idiot, la flamme. Et il fixe Henok éblouit dans la pénombre. Sans comprendre d'où sort la rage, la rancoeur. Il n'a pas tous les points du dessin à relier.

Wyn ne se regarde plus. Wyn ne peut plus la regarder. L'un comme l'autre sont des gestes à la mécanique brisée. «- C'est un reproche. » Corrige-t-il avec une certaine impatience, une certaine aigreur face au mensonge. La langue de bois n'a jamais été le truc du scientifique. Il secoue la tête, secouant les longues mèches de ses cheveux devant ses yeux, sa langue claque contre son palais. Il voudrait s'éloigner, il voudrait s'appuyer contre la commode là-bas, les bras croisés sur sa poitrine et avoir une conversation d'adulte, aller chercher une tisane à la vapeur épaisse comme les neiges de Senja. A la place, il est assis le cul par terre sur le sol de chambre conjuguale. Les rideaux clos se prennent pour une salle de théâtre qui a fait faillite. La chair de poule hérisse sa chair, glace sur place la traîne de sang de sa poitrine.

« - Elle est morte. Tu veux vraiment sa place ? Comment oses-tu ? Elle est morte.  » Le silence creuse un trou dans son crâne. La demi-mesure n'a jamais été son fort : Il crache à son tour, les mâchoires crispées, ébahi, la voix vibrante et injuste. Une aberration, une incompréhension, il se hérisse. Wyn le fixe les yeux exorbités dans la pénombre. Il a l'impression qu'on marche sur sa tombe quand la tempête entre dans sa poitrine et ravage les derniers meubles qui tenaient debout. Henok est jaloux d'une morte. Henok est jaloux d'une femme que Wyn a senti agoniser comme si c'était lui qui luttait pour ne pas s'étouffer dans son propre sang. L'atrocité de la remarque marque le visage de l'ancien sublimateur, qui aurait pâlit si il en était capable. Il a une remarque, amère : «- Elle a laissé un tas de place» puisque elle a emporté dans la mort à la moitié de ce qu'il était.

Henok sait-il à quel point la mémoire d'Aslaug est souillée, à chaque fois que Wyn s'éveille d'un cauchemard et que la poitrine d'Henok s'élève encore, régulière, dans la pénombre ? A chaque fois qu'il aperçoit Yildun, lézardant au soleil depuis la fenêtre de son nid de pie, son bureau, caché à la vue ? A quel point il été soulagé que ce ne soit pas eux qu'il ait emmené là-bas, que ce ne soit pas eux qu'il aurait emmené dans sa transe curieuse ? A quel point il est soulagé que ce soit elle, et non pas eux, qui n'était pas revenue ? Et combien de fois il avait pu fixer l'écran de son ordinateur sans le voir, à se demander si cela aurait changé la donne. Si eux auraient… Mimir seul savait. Eté dignes ? Si avec Henok ou Yildun, ils seraient revenus entiers.

«- Je t'ai épousé. Pas Aslaug. Pas Yildun. » Il n'est pas inepte au point de ne pas se douter que… leur colocation peut surprendre. Et à quel point pour Wyn, c'était ridicule. Il était possible d'être jaloux de la relation qu'il avait eu avec Yildun, avec Aslaug. Mais être jaloux de la relation qu'il avait, maintenant, aujourd'hui, avec eux… il n'y avait plus de relations, après tout. « - J'ai choisi de lier ma vie avec la tienne, pour l'homme que tu es, personne d'autre. » Lorsque l'assurance de la rationalité mathématique est soutenue par la ferveur, cela donne l'absolue fermeté, l'absolue certitude avec laquelle Wyn martèle lentement les mots, les uns après les autres, sa voix redevenue douce dans la pénombre. Il sent la migraine palpiter à ses tempes, les petites fantômes qui croquent dans sa mémoire et un instant son regard se fait plus vague, entraîné par une autre pensée avant de réaliser la réalité. « Je ne veux pas que tu prennes sa place. Tu m'as moi et je t'ai. Et tu peux prendre autant de place, le rôle que tu veux, je t'ai amené ici, dans ma ville natale, dans mon monde mais je ne te dirai pas quoi faire. » Il a sur le bout de la langue le vrai problème, il a sur le bout de la langue la fin du puzzle, une phrase que Henok a prononcé mais qu'il n'est pas en état dans la nuit blanche d'assimiler de lui-même.  Sa place avait été brodée de fil blanc dès sa naissance, le laissant y étendre des ailes d'Icare sans se soucier de dépareiller. Juste assez original. Il ne comprends pas ce que c'est que de ne pas avoir de place. Il ne sait pas qu'on peut ne pas la trouver - mystère encore à comprendre, par compassion, par amour, à sa façon.


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@Henok Evjen | début avril 2020
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Message Mer 2 Sep - 15:44

are you hearing voices again ?

Sous le manteau de la nuit, bien à l’abri dans la chambre conjugale, lorsque le silence se fait roi, à une heure indue où personne ne devrait être ainsi éveillé, la langue claque et foudroie, refuse de laisser du repos aux âmes égarées, à ceux qui devraient justement dormir, plutôt que de se prendre la tête. Silencieux, ombre parmi les ombres, adossé au lit, Henok ne dit rien, attend la sentence, ferme les yeux lorsque Wyn le plombe d’accusations. Le deuil creuse de profonds sillons, un gouffre infranchissable qui, chaque jour, éloigne un peu plus son mari, bercé par les souvenirs d’un fantôme accroché à sa conscience, qui a élu domicile dans sa psyché et ne lui permet aucun retour en arrière. L’humain n’est que spectateur de cette déchéance, peut bien tenter autant qu’il le veut de s’accrocher, de le tirer vers le haut ; certaines forces le dépassent. « Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit. » Il aimerait être agacé, faire claquer son mécontentement. Mais il n’est capable que de ce ton neutre qui le dessert, lorsque Wyn se dresse dans son outrage, voit le mal où il n’y est pas, invoque des démons qu’il se refuse à évoquer. Bien sûr qu’il ne veut pas la place d’un macchabée. La blessure est profonde, suinte de toute part, et Henok est incapable de la colmater, sait bien mal comment on guérit ce genre de maux. « Tu sais très bien le respect que je lui voue. » Et ce n’est pas un mensonge qu’il glisse dans la sécurité de la nuit. C’est vrai. Il a appris à connaître cette sublime au lien si particulier avec son mari. Ne s’est jamais départi de cette violente impression d’être mis de côté, au-dehors de quelque chose qu’il ne comprend pas. Sur le banc de touche, à regarder ses camarades jouer dans l’intimité de leur esprit. Mais il n’a jamais cessé de les supporter, a réellement apprécié Aslaug, s’en est faite une amie, a passé de longues heures près d’elle, à l’écouter, à converser, à en apprendre plus sur cette vie qui lui est inconnue.

Mais la frustration de l’oublié ne s’envole pas si facilement, pas lorsque les mots de son mari sont aussi blessants. L’empathie prend le pas, parce qu’il se doute bien de la douleur de Wyn, de l’ampleur du gouffre qui s’est ouvert dans son crâne. C’est quelque chose qu’il ne peut qu’imaginer, mais il lit bien cette douleur sur son visage, dans ses paroles comme dans ses non-dits. Ils se battent sur une tombe, et Henok déteste ça. « Tu les as sublimés. Pas moi. » Un murmure qui franchit ses lèvres, tout aussi vite regretté, la mâchoire serrée. Le jeu se joue aussi bien dans un sens comme dans l’autre et ils pourraient se relancer la balle à l’infini, pour l’éternité, sans trouver de réponse décente à ce problème. Une équation hors de leur portée. Il lui semble que Wyn essaie de se convaincre lui-même du bien fondé de cette union, de rattraper ses dires précédents. Il l’a pourtant dit lui-même, que ce n’est pas la même chose, qu’il existe une dimension bien plus importante dans une relation. Dimension inaccessible à Henok. Qui croit-il donc tromper par ces mots ?

Il prend un instant pour savourer l’aigreur de ses paroles, les yeux fermés, roule sa langue contre son palais, contre ses joues, sans trouver de réponse correcte, sinon une bête interrogation. « Qu’est-ce que tu racontes ? » La douleur de l’accusation, dans sa voix. Un ego malmené, blessé à répétition, rapetissi à force de coups, dans le seul but de se protéger, n’en demeure pas moins sensible. Au contraire. On lui rappelle sans cesse qu’il n’est qu’un étranger, l’homme qu’on a ramassé sur le bas-côté, emmené dans une valise, placé là sans plus savoir quoi en faire, une fois devant le fait accompli. « Tu crois que c’est ce que j’attends ? Que tu me tiennes la main et me dise quoi faire ? » Est-ce ainsi qu’on le voit ? Comme un penseur qui attend, sans vraiment savoir quoi ? Que les autres prennent sa vie en main ? Alors qu’il lutte sans cesse pour justement se défaire de ses manies, pour se construire plutôt que de céder à l’autodestruction que son comportement peut provoquer ? « Tu ne crois pas qu’on m’a déjà assez dit ce que je devais faire de ma vie ? » Et là est bien toute la source du problème, de son problème. Les vieilles habitudes ont la peau dure, quand bien même il a conscience de ce terrible défaut. Wyn le sait mieux que personne, a recueilli plus de confessions de sa part que quiconque. Il n’a pas le droit de jouer l’innocent. Pourtant, il continue d’enfoncer le pieux. « Tu le dis si bien toi-même. Ton monde. » Sous le couvert des traumatismes, des nuits agitées et des absences pesantes, l’aigreur est plus facile, comme si le lendemain, tout serait oublié. « Pas le mien. » Existe-t-il vraiment un monde qui soit le sien ? Il en doute.

Il se dédie tout aussi vite, le cœur serré, refusant cette confrontation. « Tu ne peux pas comprendre, Wyn. » Tu n’es pas là-dedans, dans ma tête. Et sûrement pense-t-il pareil, de son côté, lui qui ne sait apprécier la présence de quelqu’un qu’en y étant intimement connecté. La distance s’érige sans qu’il n’y prenne garde. « On devrait sûrement aller se recoucher. C’est plus sage. » Basculé en avant, son menton cherche le pardon, se pose sur l’épaule de son mari alors que son bras s’enroule autour de son torse, sans se soucier du sang qui le macule. La gorge serrée, il ne veut composer avec ce genre d’état d’âme, ni maintenant, ni jamais. Prêt à faire des concessions, à se taire, à ployer l’échine. Comme il l’a toujours fait. Wyn ne se doute sûrement pas de ce qu’il lui en coûte, d’ainsi accepter sa reddition, de ne pas chercher la confrontation. Il voudrait trouver un terrain de paix, répugne leurs mots trop durs. « Ce n’est pas l’heure pour ce genre de conversations. Tu es épuisé. » Mais il n’est pas sûr qu’une heure précise existe, qu’il saurait s’y préparer, de n’importe quelle manière. « S’il te plait. » C’est une supplique. Il refuse le conflit, encore plus lorsque la peau de Wyn se hérisse de chair de poule, que sa voix se fait grondante. Il préfèrerait fermer les yeux, Henok, ne plus rien voir, ne plus rien entendre.

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Message Sam 17 Oct - 21:37

Are you hearing voices again ?
Il ne peut plus dormir, ne veut plus dormir. Une sortie d'énergie maniaque réveille ses membres endormis, crée des fourmis là où il n'y a plus d'os ni de chair. La lucidité brûle son esprit. Il n'y a plus de sommeil pour lui, pas à cette heure indûe et cruelle. Dormir pourquoi ? Compter les heures qui passent, qui ensevelissent comme un linceul de neige et d'angoisses ? Resté crispé, figé, à écouter les respirations de son mari, compter les souffles, les secondes qui les séparent, guetter les battements de coeur inaudibles, écouter les rêves muets en vain. Attendre, allongé comme une tombe, les mains jointes sur son ventre, à écouter le vent battre tambour. Prendre conscience des années qui plombent l"épiderme, de la moitié d'homme qu'il est devenu. Prendre conscience des années qui tournent à l'insomnie, du temps perdu à essayer de dormir. A essayer de rattraper les nuits enfarinées de sommeil. A ne pas pouvoir se lever sans réveiller son mari, sans réveiller toute la maison, lourd et maladroit. A ne pas pouvoir arpenter les forêts qui les entourent en quête d'un arbre où attendre l'aube. Il ne peut pas essayer de dormir et compter le temps perdu, ressasser les erreurs, refaire en tête, comme autant de moutons, les expériences ratées, compter les équations qui s'emboîtent comme un poème.

Hors de question de se laisser encaisser dans un linceul de couverture.

Pas à cette heure-ci où les angoisses ont des griffes et un lit conjugual suinte de solitude.

Le respect qu'il lui voue. Ce n'est que cela, le respect dû à une morte, le respect dûe à l'assistante de son époux. Les mots sonnent comme ceux creux qu'on lui a adressé depuis son retour, les fleurs et les chocolats qui se sont entreposés dans son bureau, le pot de deuil organisé, accroché au tableau de liège du hall. Il n'y a aucun respect dans le visage spectral, dans les lieux qui empestent leurs runes chagrines, aucun respect dans la certitude qu'elle est morte seule, terrifiée, submergée par un effroi dont Wyn ne se remettra jamais. Le gouffre a commencé lorsqu'elle agonisait encore. Le respect qu'il lui voue est creux face à ce que Wyn ressent.

Comme un caillou jeté au fond du puit, qui met une plombe à toucher le fond, dont les ridules se réverbèrent comme le son d'un boulet de canon. Tu les as sublimés, pas moi. Wyn cille, troublé par les mots échappés comme par inadvertance. C'est la première chose réelle qui semble tangible dans la chambre conjugale. Tu les as sublimé, pas moi. Ils sont vrais ces mots, ils frappent, ils imprègnent le coeur, d'une petite litanie qui dérange. Ils brisent une glace que Wyn n'avait jamais vu. Ils surnagent au milieu du compromis, de la douceur, de la presque indifférence dont le diplomate semble trop s'envelopper, à éviter les conflits, les passions et les fureurs. Eclat de vérité dont il faut se saisir.

«- C'est exactement ce que je dis. » Il n'a jamais prononcé cette phrase sans un minimum d'aigreur et d'impatience à l'idée de devoir s'expliquer, se répéter. C'est pire parce qu'il a l'impression d'avoir quelque chose sur le bout de la langue, juste à la périphérie de son champ de vision et se retrouve incapable de mettre la main dessus. Son ton, son regard s'adoucit pourtant, quand il s'attrape à avoir le ton acerbe. Il se mord la lèvre inférieure, contemple l'homme en face de lui avec la plus grande détresse, tendresse, les yeux vagues par la pointe de nostalgie qui s'enfonce entre ses côtes. «- C'est à toi de trouver ta place, ce n'est pas à moi de te dire quoi faire. Je ne peux que t'offrir opportunités, sécurité, et moi-même. » Il ne peut qu'aider, soutenir. Mais il ne peut dire à Henok comment trouver sa place, quelle est sa place. Il ne peut que le regarder… ne pas oser mettre un pied dans son monde, sembler vouloir rester en retrait.

Il a l'habitude des débats, des voix qui tonnent d'arguments et de rhétoriques, qui n'ont pas peur de dire ce qu'on pense avec une franchise tranchante, poussée par le besoin d'être contredit ou d'avoir raison. Il ne supporte pas ce besoin de Henok de … de faire en sorte que tout aille bien.  En même temps, il ne peut pas s'empêcher de chérir ce caractère si étranger à sa famille, à son pays natal. C'était son havre, un peu égoïste dans un quotidien épuisant qui l'usait jusqu'à la corde. Son foyer. Son apprentissage du repos.
Il le laisse se nicher contre son torse, resserrant ses bras autour de lui, ses doigts trouvant leurs places dans sa nuque, un peu froids, engourdis des cauchemards mais présents. Tu ne peux pas comprendre Wyn. Il ne comprend pas, comment faire des concessions, chercher la paix, l'arrangement, au mépris de soi, au mépris de la vérité, semble si aisé à son compagnon. Tu ne peux pas comprendre Wyn. Wyn, justement, qui souffre de ne pas être compris. Tu ne peux pas comprendre. Les bras de Wyn l'enveloppent un peu plus étroitement un instant, l'ensevelissent sous ses ailes, pour joindre leurs poitrines à l'unisson. Il entend le battement de son coeur qui résonne contre sa poitrine, vibre jusque dans ses côtes. Sa voix gronde d'un amusement las contre son oreille, avec une certaine tendresse. «- Je ne suis pas sage, à moins que je t'ai trompé toi aussi, mellita ? Je suis toujours épuisé. Epuisant. » Il en convient dans un rire qui rajeunit les traits pâles, évoque le spectre de l'homme qu'Henok a épousé, brillant, plein d'esprit. Il s'écarte comme à regret de la chaleur du giron de son époux. La chambre semble glaciale autour de leurs entrelacs de membres.

Il garde ses bras passés autour de ses épaules, mais sa main vient prendre en coupe  la joue du mortel. Il n'y a rien d'autre, dans les yeux voilés de blancs qu'une adoration sincère, bien que triste. Son alliance brille à chaque mouvement de ses doigts, quand il trace la pommette d'Henok du bout des doigts.   «- Trois heures du matin est l'heure de ce genre de conversation. Sinon quand ? On ne parle pas de ces choses à 15h de l'après-midi. »  Il corrige, incapable de le laisser fermer les yeux sur eux, sur les problèmes qui viennent pourir leur mariage à la racine. Curiosité n'a jamais été doué avec le déni. Il a été éduqué par les mots, ceux des autres et le poids des siens, il a grandi sous l'égide de la communication, de l'empathie pure. Il a été élévé à construire des châteaux de coussins dans le salon à trois heures du matin, l'heure où chacun est vulnérable et très humain. L'heure où on dit la vérité. L'heure où on dit ce qui nous manque, pour de vrai. Tel un caméléon qui s'ajuste à la lumière, il reprend des couleurs en même temps qu'il se redresse, tente de se relever malgré le déséquilibre du bas de son corps. Tu ne peux pas comprendre, Wyn. «- Allons prendre une boisson chaude, parlons, je t'en prie. Un tas de couvertures, un chocolat chaud. » Il relève son visage, son pouce sur son menton et dépose un baiser sa joue, puis son front, religieusement. Un tel geste devenu moins fréquent depuis son retour. La sensation d'avoir un corps devenu repoussante, débilitante. Il y a une nouvelle chaleur, lumière dans le scientifique alors qu'il s'apprête à se relever, à aller chercher une solution dans les tréfonds de la cuisine irréelle à cette heure de la nuit. Il s'anime, s'agite presque, convaincu que l'on peut trouver. A deux. Il s'est relevé avec difficulté, appuyé sur Henok, sur le lit, pour finir sur un pied, les cheveux devant le visage. Il s'arrête. Tu ne peux pas comprendre Wyn. Comme si son esprit avait enfin trouvé la solution de casse-tête chinois qu'on lui avait confié, sur lequel planchait son inconscient. Il relève la tête, tend la main vers Henok - la baisse avant de l'effleurer, comme un appel à l'aide, à le toucher. La question tombe, lancinante, dénuée de tout artifice dans la nuit. Vulnérable. Pleine d'une surprise réelle, enfantine derrière le faciès d'un adulte sûr de lui. Pleine de douleur quand il observe Henok, démuni. «- Est-ce que tu veux être sublimé ? »

Il n'aurait jamais pensé craindre qu'on lui dise oui.
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@Henok Evjen | début avril 2020
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Message Lun 26 Oct - 18:40

are you hearing voices again ?

C’est peut-être ça, qui l’a réellement fait tomber amoureux. Cette légèreté qui transparait derrière ses lunettes, derrière son ton professoral, derrière le scientifique si sérieux. L’enfant qui brille encore, dans ses yeux. L’enfant qui aime les heures indues, les festivités qui s’offrent à deux. Ces réveils hors du temps, qui n’ont d’autre sens que celui qu’ils leur donnent. La douceur de leurs bras entrelacés, de leur peau venue réchauffer l’autre. Il aime s’abandonner contre sa poitrine, l’écouter d’une oreille attentive, fermer les yeux et s’imaginer ailleurs. Il est tombé amoureux de cet esprit brillant, hors du commun, qui s’éveille lorsque le monde s’endort, lorsqu’il est le seul à être capable de se suivre lui-même. Et Henok, il n’est bon qu’à sourire, qu’à suivre, incapable de comprendre, seulement d’en apprécier la beauté d’un regard extérieur. Il aime ces yeux qui se plongent dans les siens, admire les couleurs qu’il reprend peu à peu, la peur lancinante de ne plus le reconnaitre, de ne plus se reconnaitre soi-même. Les doigts de Wyn laissent des frémissements sur sa peau, invitent aux douces contemplations. Il pourrait rester là longtemps, à seulement admirer, dans le silence, l’attente, la peur du lendemain. Dans le noir, à ne jamais percevoir que l’autre contre lui. Tout semble facile, lorsque son mari parle. Mais tout semble aussi simple à s’écrouler, comme un château de carte. Les mots ne remplacent pas la compréhension, ne font que la faciliter, mais ils ont beau s’y essayer, il y a quelque chose qui se tend, qui se bloque, et aucun n’arrive à le surmonter, ce gouffre infranchissable. Ils ont chacun leurs peurs et leurs colères, sans réussir à les diriger à l’unisson. Se tiennent la main, s’offrent des baisers sur le front, des danses à deux, des lectures tardives. Une vie à chérir, sans pour autant bien en saisir les limites, ni même la véritable naissance.

Le froid le cueille, dès lors que Wyn fait mine de se décaler, de se relever, de l’abandonner. Il y a peut-être de la pitié, il ne sait trop, ou seulement de la préoccupation, de la mansuétude. Mais avant que le moindre mot n’ait pu être échangé, avant qu’une plainte ne soit lancée, il est là, relevé, offre son assistance, son épaule, son bras, sa personne toute entière. Sans chercher d’autres issues qu’une aide à apporter. Il y a une tentative de réconfort, de pardon, de réconciliation, dans les promesses qu’on se lance à pareille heure. Le réconfort d’un chocolat chaud, d’un plaid, d’un biscuit. Il y est déjà prêt, se complait dans l’attente, n’attend que Wyn pour s’en aller, pour quitter la chambre et les cauchemars qui grimpent au mur. Mais à la place, il reste là, hagard, à observer son mari perché sur une jambe unique, son mari aux yeux étincelants sous ses mèches décoiffées. Il y a une brusque franchise, suivi d’un trop long silence qui laisse Henok pantois, à observer le vide qui se creuse dans sa poitrine, les interrogations qui flanchent, qui pointent et s’agrippent à lui comme des rosiers épineux, se plantent profondément dans sa chair, dans son cœur. Ne lui laissent rien d’autre que l’attente. Le silence. La question tombe étrangement, et pourtant, il aurait dû se douter qu’elle viendrait se greffer là, comme un dénouement que tous attendraient. Elle est trop vive, trop certaine, trop franche, cette question, le percute sans qu’il n’ait vraiment eu le temps de se préparer, alors même qu’il aurait dû se douter, que c’était évident. Mais lui, il est bien incapable de s’en saisir. « Je ne sais pas. » Il pourrait dire oui, dire oui, aussi soudainement qu’ils se sont dit oui pour un mariage soudain. Mais à la place, il reste là, interdit. Malgré l’heure qui s’écoule, incapable de se ranger du côté des insomniaques aux éclairs de génie brutaux.

Bribes de vêtements enfilés pour palier au froid, ils sont deux, à clopiner l’un contre l’autre, épaules contre épaules, bras passé derrière le dos de Wyn pour mieux le soutenir dans leur chemin, une fois son bras passé dans son dos, glissé sur sa taille, pour ne surtout pas le laisser glisser, filer, une fois la canne saisie. Il ne dit rien Henok, s’obstine dans le silence, incapable de savoir quoi dire, sinon acquiescer, le suivre, le mener vers ses promesses. Il est peut-être trop réfléchi, trop prudent, même lorsque la nuit les embrase. Devrait savoir reléguer calmer ses hésitations, apaiser ses craintes. Mais encore une fois, il gagne du temps, sort casserole, lait et chocolat, allume une jolie lampe dans un coin, incapable de percer complètement le sombres, laisse planer un semblant de mystère, une ambiance intimiste où les confessions sont plus faciles, puisque la lune ne suffit pas. « Pourquoi ? » Sa voix s’emmêle dans ses cordes vocales, jouent un jeu dangereux. Instrument mal accordé auquel on ne laisse aucune chance, pas même un embryon. « T’en voudrais, toi ? D’un énième sublime ? » Dos tourné, résolument concentrée sur sa tâche, sur le lait qui chauffe, sur le crépitement de la gazinière, sur le vent qui hurle au dehors, les carreaux de chocolat que l’on casse diligemment. « Tu n’aurais pas peur que je finisse par te laisser seul, à mon tour ? » Parce qu’il empile les disparitions les unes après les autres, et qu’il est bien incapable de se reconstruire. Wyn est troué de partout, et le vent s’engouffre en lui, hurle dans le désert de son être, siffle et geint plus fort que tout. Et Henok n’est pas bien sûr d’être assez pour colmater les brèches. Il en est même persuadé. « Que je ne creuse encore un peu plus ton esprit d’un énième abandon ? » C’est peut-être sa malédiction, à Wyn. De vouloir tout donner, tout partager, et finalement tout perdre. « Tu le voudrais vraiment ? » Il a les yeux qui se perdent, se noient dans les ombres, avant de vraiment revenir vers lui, d’observer son visage mangé par la douce lumière de la lampe qui les sépare. Peut-être qu’il a raison. Sûrement qu’il a raison. Il a raison. Il n’y a qu’en ces heures tardives que la vérité point sous la franchise, que même Henok abandonne un pan de retenue pour des mots plus rudes. Et encore une fois, il se défile, incapable d’attraper la question et d’y répondre véritablement. Retourne la situation, explore d’autres horizons, laisse le choix revenir à un autre plutôt que de trop se mouiller. Incapable de vraiment se saisir de la barre de navigation pour mener le bateau au gré de ses vœux.  

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